Vie intellectuelle et libre pensée au tournant du XXe siècle : le cas de Ludger Larose
Ludger Larose (1868-1914), peintre, professeur de dessin, franc-maçon, espérantiste et libre-penseur anticlérical est peu connu aujourd’hui. Ce mémoire tentera de faire connaître son engagement dans les débats idéologiques du Québec du tournant du siècle. L’étude de son cas contribuera, nous l’espérons, à la réflexion sur certains aspects de la vie intellectuelle de cette époque.
Ce mémoire expose, à partir des documents inédits que la famille du peintre a conservés, la vie et la pensée de Larose. Après avoir présenté, dans le premier chapitre, les grands moments de sa vie, nous examinons plus en détail, dans le chapitre suivant, les principaux thèmes qui ont animé ses discours publics, et nous en profitons pour confronter ses idées à celles d’autres penseurs libéraux parmi ses contemporains au Québec. Après quoi, dans le troisième chapitre, nous nous attardons sur la correspondance que Larose a tenue en espéranto avec plus d’une centaine de Français, et sur les idées libérales qui s’échangeaient dans cette correspondance.
En 1910, Larose et d’autres membres de sa loge maçonnique perdent leur emploi lorsque leur appartenance à la loge est rendue publique. Il s’ensuit un procès qui a retenu l’attention de la presse québécoise et qui est connu sous la désignation de l’« Affaire Lemieux ». L’analyse de cette affaire, dans le quatrième chapitre de notre mémoire, permet de constater le seuil de tolérance du Québec de l’époque par rapport à la contestation libre-pensante.
L’examen de la vie de Larose expose les conséquences qu’une activité libre-pensante comme la sienne peuvent entraîner dans une société où le catholicisme domine. Il montre également jusqu’où un libre-penseur, qui ne bénéficie pas du soutien d’une « masse critique » intellectuelle, peut avancer ses idées sur la place publique. Larose a certes milité dans diverses loges maçonniques et s’est exprimé très librement avec des espérantistes d’outre-Atlantique, mais ses idées libre-pensantes eurent une audience limitée au Québec. Quand il a encouragé ses confrères maçonniques à mener une lutte plus ouverte face à l’Église et aux conservateurs, il était trop tard : quelques années plus tard, une maladie allait l’emporter. Son cas illustre bien les conditions d’expression et d’existence d’un intellectuel libre-penseur minoritaire dans son pays.