Biographie de Lionel Groulx

Penseur à l’origine de l’expression « maîtres chez nous », Lionel Groulx est une figure majeure de l’histoire du Québec. Homme d’action et de parole, auteur d’une œuvre colossale sur notre passé et premier titulaire d’une chaire d’histoire du Canada, il a consacré sa vie à faire rayonner l’histoire, la langue et la culture de l’Amérique française.

Biographie

Lionel Groulx est né à Vaudreuil le 13 janvier 1878. Élevé dans un milieu de condition modeste, marqué par la vie agricole et par la religion catholique, il fait ses études à Vaudreuil et à Sainte-Thérèse. Esprit curieux et assoiffé de lecture, il est habité dès le plus jeune âge par l’ambition d’écrire. Également très pieux, il se dirige finalement vers la vocation religieuse et devient prêtre en 1903.

Enseignant au collège de Valleyfield, Lionel Groulx est animé par le désir d’émanciper ses compatriotes par l’enseignement, et par le redressement de leur vie spirituelle et nationale. En 1904, il cofonde l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française, un organisme qui inculquera aux jeunes Québécois le goût de jouer un plus grand rôle dans leur société. Poursuivant ses études en Europe de 1906 à 1909, il publie son premier livre en 1912 racontant les débuts de son aventure dans la vie intellectuelle : Une croisade d’adolescents.

Son nom commence à circuler dans l’actualité. Alors que l’on dénonce le piètre état de l’enseignement de l’histoire du Québec dans les écoles, Lionel Groulx révèle à Henri Bourassa (directeur et fondateur du Devoir) qu’il prépare un nouveau manuel d’histoire à l’intention des collèges classiques. Son initiative est aussitôt saluée de toutes parts. En 1915, l’Université de Montréal le recrute et crée pour lui la chaire d’histoire du Canada – la première à offrir des cours sur notre histoire à un niveau universitaire. Tout en enseignant, Lionel Groulx poursuit ses recherches, donne des conférences et publie des ouvrages sur l’histoire. Dans la foulée de la crise de la conscription en 1917, il rompt avec la vieille mentalité loyaliste de l’époque et rappelle à ses compatriotes comment la guerre de la Conquête a eu des conséquences catastrophiques pour le Canada français. Cette prise de position le motive à poursuivre son engagement et à fonder une revue : L’Action française (renommée plus tard L’Action nationale). Cette revue suscite les débats et donne un nouveau souffle à la vie intellectuelle au Québec. L’une des enquêtes faites pour le compte de cette revue mène en 1922 à la publication d’un ouvrage marquant, Notre avenir politique, dans lequel l’auteur s’interroge sur ce qui attend le Québec au 20e siècle.

Durant les années 1930, le Québec est frappé par la pire crise économique de son histoire. La Grande Dépression est là et elle fait mal. L’économie en banqueroute engendre le chômage, la misère et le désespoir. Remettant la société en question, partout, les jeunes se cherchent un nouveau guide, avec des idées et des solutions. Lionel Groulx apparaît alors comme un chef potentiel. Refusant de se lancer en politique, il encourage toutefois un groupe de ses disciples à le faire. Ceux-ci proposent alors une série de réformes audacieuses. Leurs buts : rompre avec les idées traditionnelles qui ont mené à la crise et restaurer la vie nationale. Suivant la pensée de Groulx, ses disciples cherchent à intervenir dans un domaine jusque-là largement inaccessible aux Québécois : l’économie. Ils proposent, entre autres choses, de nationaliser l’hydroélectricité. Motivé par leurs actions, Lionel Groulx les encourage à poursuivre dans toutes les sphères de la vie publique. Pour lui, il est indispensable que les Québécois reprennent le contrôle de la société. Son mot d’ordre : « Être maîtres chez nous ». Souhaitant voir les choses changer de manière à assurer le développement et l’épanouissement de la nation québécoise en Amérique, il appelle également à la construction d’un véritable État français, au service de la collectivité. Ses discours feront date dans la pensée nationaliste et inspireront, entre autres, l’adoption du drapeau fleurdelisé en 1948 et les réformes qui se concrétiseront à partir de 1960, durant la Révolution tranquille.

En plus de son action intellectuelle, durant les années 1940 et 1950, Lionel Groulx joue un rôle majeur dans la diffusion du savoir et dans la professionnalisation de l’histoire au Québec. En 1946, il fonde le premier département d’histoire du Canada (à l’Université de Montréal). La même année, il fonde l’Institut d’histoire de l’Amérique française, la première association professionnelle d’historiens du Québec. Enfin, en 1956, il crée la Fondation Lionel-Groulx, responsable de financer la recherche sur l’Amérique française, de préserver ses archives et de mettre en valeur les fruits de la recherche.

Malgré son grand âge, Lionel Groulx poursuivra son travail jusqu’à la toute fin de sa vie. Il s’éteint paisiblement le 23 mai 1967, à l’âge de 89 ans.

Par ses contributions et son engagement dans la vie intellectuelle québécoise, selon René Lévesque, Lionel Groulx a été un « éveilleur national » et un « clairon vivant ». Son plus grand mérite aura été « d’avoir rénové l’une des sciences “dont on a le plus besoin”, l’histoire [1] ».

Note

[1] Discours de René Lévesque cité par Angèle Dagenais, « Lionel Groulx. Cet “éveilleur national” », Le Devoir, 25 juin 1977, p. 1. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2775690.

Parcours académique

Il poursuit de longues études en Amérique et en Europe :

  • Académie des Clercs de Saint-Viateur (Vaudreuil), cours primaire, 1884-1890
  • Séminaire de Sainte-Thérèse, baccalauréat ès arts, 1891-1899
  • Grand Séminaire de Montréal, études théologiques, 1900-1903
  • La Minerve (Rome), doctorat en philosophie, 1907 et doctorat en théologie, 1908
  • Université de Fribourg, cours de littérature, 1909
  • Université Laval à Montréal, maîtrise ès arts, 1917
  • Université de Montréal, doctorat ès lettres, 1932

Prêtrise et enseignement

Il est ordonné prêtre à Valleyfield en 1903. Comme étudiant puis comme prêtre, il enseigne les belles-lettres et la rhétorique au Collège de Valleyfield de 1900 à 1915, avec une interruption de trois ans durant laquelle il effectue un voyage d’études à l’étranger (1906-1909).

De 1915 à 1920, il donne un cours d’histoire générale et d’histoire du commerce et de l’industrie à l’École des hautes études commerciales de Montréal. En 1915, il est nommé professeur à l’Université Laval à Montréal où il inaugure la première chaire d’histoire du Canada. Il y conserve cette fonction jusqu’en 1949, l’interrompant à quelques reprises pour des voyages de recherches ou de cours et de conférences : il travaille ainsi aux Archives de Londres et de Paris (1921-1922) et est délégué par l’Université de Montréal pour donner des conférences sur l’histoire du Canada aux universités de Paris, de Lille et de Lyon (1931).

Outre ses conférences et son enseignement universitaire, il donne des cours au Collège Basile-Moreau (Saint-Laurent), 1927-1950, à l’École normale d’enseignement secondaire (Montréal) et à la station radiophonique CKAC de Montréal, 1949-1950.

D’une activité débordante, il donne de multiples conférences, causeries et retraites fermées tant au Canada qu’à l’étranger, et milite dans de nombreux mouvements et organisations. Il est ainsi, entre autres :

Tout au long de sa vie, il multiplie les appels à la jeunesse et favorise l’éclosion de mouvements patriotiques organisés, notamment les Jeune-Canada dans les années trente et les Jeunesses laurentiennes au cours de la décennie suivante. Il est membre de la Gallery of Living Catholic Authors (Webster Groves, Missouri, 1949) et de l’Académie Berrichonne de Bourges (France, 1960).

Distinctions et doctorats honorifiques

  • Médaille Chapleau, 1898
  • Médaille du Gouverneur général du Canada, 1899
  • Membre de la Société royale du Canada, 1918 (démissionnaire, 1952)
  • Prix de l’Académie française, 1931
  • Médaille de la Société historique de Montréal, 1933
  • Médaille Mallat de Bassilan de la Société de géographie commerciale de Paris, 1933
  • Chanoine honoraire du diocèse de Montréal, Archevêché de Montréal, 1943
  • Membre de l’Académie canadienne-française, 1944
  • Médaille Tyrrell de la Société royale du Canada, 1948
  • Professeur émérite de l’Université de Montréal, 1949
  • Médaille Bene Merenti de Patria et Prix Ludger-Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, 1952
  • Ordre de la fidélité française du Conseil de la vie française en Amérique, 1952
  • Médaille de la Société historique franco-américaine, 1953
  • Prix Champlain du Conseil de la vie française en Amérique, 1957
  • Médaille Gonzague de Reynold, 1960
  • Mérite de la Société historique du Canada, 1961
  • Médaille Artes et ingenia fovere du Conseil des arts du Canada, 1962
  • Timbre historique à son effigie de l’Agence Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, 1963
  • Médaille Léo Pariseau et Prix Pfizer de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences, 1963
  • Prix du grand jury des lettres, 1963

Doctorats honorifiques

  • Université d’Ottawa, 1934
  • Université Laval (Québec), 1937
  • Université de Montréal, 1942
  • Memorial University of Newfoundland, 1962

Membre à vie

  • Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Sherbrooke, 1954
  • Société historique du Canada, 1961
  • Société généalogique canadienne-française, 1964

Chronologie

1878
Naissance à Vaudreuil (Québec), le 13 janvier, de Léon Groulx (décédé la même année) et de Philomène Pilon (remariée un an plus tard à Guillaume Émond).

1884-1890
Études élémentaires à l’école des Frères Saint-Viateur, à Vaudreuil.

1890-1899
Études classiques au Séminaire de Sainte-Thérèse-de-Blainville.

1899
Entrée au Grand Séminaire de Montréal.

1900-1903
Études théologiques. En même temps, professeur au Collège de Valleyfield.

1902
Fondation du cercle Saint-Charles, ancêtre du cercle Saint-Thomas d’Aquin de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC).

1903
Ordination sacerdotale, le 28 juin.

1903
Fondation de l’Académie Émard.

1903-1906
Professeur de Belles-Lettres, puis de Rhétorique au Collège de Valleyfield.

1904
Adhésion d’élèves du Collège de Valleyfield à l’ACJC, sans pouvoir former de cercle vu l’opposition de la direction du Collège.

1906
Première brochure : conférence (22 février), L’éducation de la volonté en vue du devoir social.

1906-1909
Études philosophiques et théologiques à l’Université de la Minerve à Rome et de littérature à l’Université de Fribourg en Suisse (1909).

1907
Docteur en philosophie.

1908
Docteur en théologie.

1909-1915
Professeur au collège de Valleyfield.

1912
Discours lors du premier Congrès de la langue française (Québec).

1914
Discours au congrès de l’ACJC.

1915-1920
Cours sur l’histoire générale et l’histoire du commerce et de l’industrie à l’École des Hautes Études commerciales.

1915
Professeur d’histoire du Canada à l’Université Laval de Montréal. Inaugure et occupe la première chaire d’enseignement d’histoire du Canada, poste qu’il occupera jusqu’en 1949.

1917
Membre de la Ligue des droits du français. Première collaboration à L’Action française de Montréal (février).

1918
Membre de la Société royale du Canada.

1919
Discours au Long Sault, à l’occasion du dévoilement du monument Dollard, le 24 mai.

1920-1928
Directeur en titre de la revue L’Action française, qu’il dirige en fait depuis 1918.

1921-1922
Deuxième voyage en Europe au cours duquel, il fait une conférence.

1922
Professeur titulaire d’histoire du Canada à l’Université de Montréal.

1924
Tournée de conférences en Ontario (Kent, Essex, Ford, Tilbury) et remise du buste de Dollard à l’Université de Montréal.

1926
Conférence à Chicago lors du congrès eucharistique international.

1928
Séjour aux Archives du Manitoba.

1931
Conférences à la Sorbonne sur « Le Français au Canada », à l’Institut catholique de Paris et aux universités de Lyon et de Lille. Voyage en Louisiane.

1932
Docteur ès lettres de l’Université de Montréal.

1933
Médailles Mallet de Bassilan et de la Société historique de Montréal.

1934
Docteur en droit honoris causa de l’Université d’Ottawa.

1937
Conférence donnée lors du deuxième Congrès de la langue française à Québec. Docteur ès lettres honoris causa de l’Université Laval.

1939
Achat de la maison située au 261 de la rue Bloomfield grâce à une souscription des « Amis de l’abbé Groulx ».

1942
Docteur en droit honoris causa de l’Université de Montréal.

1943
Chanoine honoraire du diocèse de Montréal.

1944
Membre de l’Académie canadienne-française.

1945
Cours à la Semaine sociale.

1946
Fondation, en novembre, de l’Institut d’histoire de l’Amérique française.

1947-1967
Directeur de la Revue d’histoire de l’Amérique française.

1948
Médaille Tyrrel de la Société royale du Canada.

1949
Professeur émérite de l’Université de Montréal, après 34 ans d’enseignement. Retraite : 19 octobre. Cours à l’École normale d’enseignement secondaire. Cours réguliers d’histoire du Canada à partir du 4 décembre, au poste CKAC.

1950
Voyage à Rome pour la béatification de Marguerite Bourgeoys.

1952
Médaille et prix Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM). Démission de la Société royale du Canada.

1953
Cours inaugural de la chaire de civilisation canadienne-française à l’Université de Montréal. Insigne de l’Ordre de la Fidélité française.

1956
Création de la Fondation Lionel-Groulx. Voyage au fort du Sault Sainte-Marie. Dernier voyage en Europe.

1957
Prix Champlain du Conseil de la Vie française en Amérique.

1960
Médaille Gonzague de Reynold. Membre-correspondant de l’Académie Berrichonne de Bourges, France. Première du film Le Chanoine Lionel Groulx, historien réalisé par l’Office National du Film (ONF).

1961
Membre honoraire à vie de la Société historique du Canada.

1962
Docteur en droit honoris causa de l’Université de Saint-Jean (Terre-Neuve). Médaille du Conseil des Arts du Canada.

1963
Médaille Léo Parizeau (ACFAS). Prix Pfizer et Prix du Grand jury des lettres pour l’ensemble de son œuvre.

1967
Décès de Lionel Groulx le 23 mai, jour du lancement de son dernier ouvrage : Constantes de vie.

Informations complémentaires

Groulx, Lionel, prêtre, éducateur, historien, professeur, écrivain et conférencier. Vaudreuil (Québec), 13 janvier 1878 – Vaudreuil (Québec), 23 mai 1967. Fils de Léon Groulx et de Philomène Pilon, veuve en 1878, mariée en secondes noces à William (Guillaume) Émond, 1879; frère d’Angélina, Albert et Julien; demi-frère d’Alexandrine, Flore, Émilia, Sara, Valentine, Charles-Auguste, Imelda, Joséphine, Honorius, Paul et Cécile.

Pseudonymes

L. Adolphe, Aymérillot, Aymérillot II, Jacques Brassier, Lionel Cartier, David Lafronde, Isidore Legrobeur, Léo, Alonié de Lestres, Lionel, Marc-André, André Marois, Lionel Montal, Jean Tavernier, G. Tillemont, Jean Tillemont, Nicolas Tillemont, Un cercle de jeunes collégiens, Un jeune, Un qui ne démissionne pas, Un renard qui tient à sa queue, Guillaume Untel, XXX.

Sources

  • Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord / Réginald Hamel, John Hare, Paul Wyczynski. – p. 639-645 ;
  • Hommage à Lionel Groulx / sous la direction de Maurice Filion. – p. 213-217 ;
  • Les Lionel Groulx : la pseudonymie comme stratégie littéraire et jeu institutionnel (1900-1966) / mémoire de maîtrise par Marie-Pier Luneau ;
  • L’œuvre du chanoine Lionel Groulx : témoignages, bio-bibliographie ;
  • Dossiers administratifs du CRLG.