Les droits de l’Église, le fonctionnement de la fabrique et le règlement des litiges économiques entre clercs et fidèles. Le diocèse de Sherbrooke, 1900-1914
Ce mémoire pose la problématique suivante: Quels sont les référents historiques ayant modelé l’attitude du clergé canadien-français face à la contestation des fidèles dans leurs rapports économiques avec les prêtres, en milieu paroissial. Pour répondre à cette question, la démonstration s’opère sur trois chapitres. Nous avons amplement recours aux ouvrages de droit ecclésiastique de Mgr Louis-Adolphe Pâquet, Faculté de droit public de l’Église et aux archives paroissiales.
Le premier chapitre établit le contexte. Il permet également de mieux comprendre l’état d’esprit du clergé et d’expliquer sa conduite face à la contestation des fidèles. Les événements qui ont touché l’Église d’Europe depuis la Révolution française ont façonné un climat de crainte chez les évêques, celui de voir se reproduire au Québec ces malheurs d’outre-mer. D’où une conception forte de l’autorité, dont nous étudierons les manifestations dans les chapitres suivants.
Le cadre juridique des relations entre le clergé et le laïcat est présenté dans le second chapitre. Ainsi, l’origine du pouvoir, la question de l’immunité ecclésiastique et l’administration financière des paroisses sont examinées successivement, pour conclure que l’Église catholique s’évertue à affermir sa position au sein de la collectivité québécoise par tous les moyens légaux possibles. La définition ultramontaine du fonctionnement de la société chrétienne affirmait la préséance juridique et morale de l’Église.
Le troisième chapitre analyse, dans le cadre paroissial du diocèse de Sherbrooke du début du 20e siècle, quatre plaintes d’ordre financier, formulées par les paroissiens et paroissiennes à l’encontre de leur curé. L’étude de la correspondance dévoile les rapports de pouvoir et les mécanismes de régulation des conflits employés par l’autorité ecclésiastique, qui cherche à exercer une sorte d’arbitrage.
La crainte du scandale et la réputation du clergé incitaient l’évêque à faire preuve de souplesse dans le règlement des litiges et dans l’application des principes ultramontains. Lorsqu’un curé jugé fautif refusait de s’amender, les plaignants obtenaient la permission de s’en remettre aux tribunaux civils, ce qui démontre les limites du pouvoir d’intervention de l’évêché et nie son autorité exclusive sur les affaires paroissiales. Les griefs étaient toujours effectués avec la plus grande politesse et les contestataires démontraient un respect sans faille des protocoles, signe du respect dû aux dignitaires religieux. L’objectif était d’obtenir gain de cause pour l’injustice éprouvée dans l’immédiat, non pas de remettre en cause la place et la légitimité de l’Église dans la société. Si la plainte s’avérait non fondée aux yeux de l’autorité ecclésiastique, le fidèle ne recevait qu’une remontrance d’ordre moral. Le vicaire général, qui exerçait un rôle de médiateur, tentait d’obtenir un règlement à l’amiable en misant sur les valeurs chrétiennes, la charité et la bonne volonté des protagonistes.