Les accidentés du travail à l’ère des poursuites judiciaires : le cas du district d’Arthabaska, 1920-1929
Notre étude vise à exposer l’expérience vécue par des ouvriers des villes de l’amiante et des villes manufacturières du Centre-du-Québec à partir d’un évènement fortuit de leur vie, soit les accidents du travail. En 1909, le Québec adopte un système d’indemnisation des accidents du travail à responsabilité objective. Désormais, les ouvriers peuvent recevoir une indemnisation à la suite d’un accident du travail sans prouver que l’accident résulte de la faute de leurs employeurs. Toutefois, la nouvelle loi reconduit le traitement des accidents du travail par l’entremise des tribunaux civils. En Amérique du Nord, peu de juridictions ont choisi cette voie, la plupart ont établi un comité indépendant afin d’indemniser les travailleurs.
Notre étude porte sur les poursuites pour accidents du travail présentées devant la Cour supérieure du district d’Arthabaska entre 1920 et 1929. Nous établissons d’abord un portrait sociodémographique des différents acteurs rencontrés. Ensuite, nous présentons les grandes causes d’ accidents ainsi que les blessures déclarées par les ouvriers. Nous continuons avec une analyse des différents montants perçus par les ouvriers, ce qui permet d’ exposer comment la loi de 1909 fut concrètement appliquée. Puis, nous présentons les diverses stratégies et arguments utilisés par les avocats des entreprises afin de nier le droit à l’indemnisation aux ouvriers. Cela permet de démontrer la spécificité de la loi de 1909, tout en exposant les limites de ce système.
Les résultats de notre recherche montrent que le système québécois favorise la conciliation entre les ouvriers et les entreprises, puisqu’avant même le commencement des procédures, les juges tentent de concilier les parties et poursuivent ce but tout au long du procès. Le fonctionnement des poursuites, les principes restrictifs, mais surtout, les principes forfaitaires utilisés par la législation engendrent plusieurs disparités et inégalités entre les montants reçus. Ainsi, les bénéfices retirés par les ouvriers varient d’un cas à l’autre. Par exemple, lors du décès du chef de famille, l’indemnisation reçue est bénéfique puisqu’elle permet de recevoir un montant servant à combler le salaire du principal pourvoyeur, du moins, pour un certain temps. Dans d’ autres cas, les ouvriers reçoivent une indemnisation dérisoire puisqu’ils doivent prouver que les blessures déclarées réduisent leur capacité au travail.