Le rôle du théâtre engagé dans la construction d’un Québec « moderne » : 1965-1976
Ce mémoire de maîtrise cherche à comprendre de quelle manière le théâtre engagé, à la mode de 1965 à 1976, a participé à la formation du discours de la modernité sur lequel s’assoit l’identité québécoise actuelle. Pour ce faire, nous découpons le récit traditionnel de la Révolution tranquille en deux périodes dont la seconde correspond aux années étudiées et se pose en réaction à la première. Nous démontrons que le théâtre engagé affirme une vision du monde moderne, tout en critiquant la modernité prétendue du Québec. Pour saisir ce processus, et face à la difficulté posée par les sources, nous avons recours à une sorte de distorsion méthodologique. Nous consacrons l’analyse à deux auteurs, Michel Tremblay et Robert Gurik, et trois troupes, le Grand Cirque Ordinaire, le Théâtre Euh! et le Théâtre des Cuisines, chacun étant représentatif d’un degré particulier d’engagement. Grâce aux auteurs, nous tentons de dégager des représentations de la modernité à partir de l’analyse des textes qu’ils fournissent. En revanche, dans le cas des troupes, ces représentations sont recherchées dans leurs divers choix esthétiques et organisationnels. De plus, nous nous attachons à l’étude du discours critique, en procédant là encore par synecdoque méthodologique, par échantillonnage. Les discours de Michel Bélair et Gilbert David sont ainsi traités en profondeur, toujours dans le but de dégager la construction d’une certaine représentation de la réalité québécoise.
Toutes ces analyses sont contenues dans un développement chronologique, composé de trois périodes. De 1965 à 1968, le théâtre prend largement part à la contestation de la première révolution tranquille, en opposant à une modernité suspecte, une vision du monde qui se veut vraiment moderne. De 1968 à 1973, en même temps que le théâtre radicalise son engagement, la modernité qu’il manifeste sert un discours identitaire en formation. De 1973 à 1976 enfin, le théâtre engagé s’essouffle et doit déposer le bilan, l’exigence de modernité qu’il prônait entraînant nécessairement son propre dépassement.