Les successeurs de Groulx : Maurice Séguin
Né en Saskatchewan la même année que son collègue Guy Frégault, et décédé le 28 août 1984. Après son cours classique aux collèges Saint-Ignace et Jean-de-Brébeuf, il obtient une licence ès lettres de la Faculté des lettres de l’Université de Montréal et enseigne l’histoire et la géographie au collège Sainte-Marie. N’ayant pour tout bagage de connaissances historiques qu’un cours de 1er cycle, il fait part à Lionel Groulx de son intérêt pour l’histoire, qui accepte de diriger sa thèse de doctorat, qui sera soutenue en novembre 1947. Recruté par Frégault comme chargé de cours en 1948, il obtient l’année suivante le poste de professeur de Groulx, qui démissionne pour lui céder sa place.
La thèse de doctorat de Séguin, « La nation canadienne et l’agriculture (1760-1850) » (1947), dont le thème lui a été inspiré par une conférence de Groulx et qui restera sous forme de manuscrit jusqu’en 1970, contribue grandement à fixer l’orientation des historiens de l’école Montréal, en même temps qu’elle creuse la distance avec son maître à penser. Préoccupé comme ce dernier par l’infériorité économique des Canadiens français, il en explique les causes autrement que par la déficience des techniques agricoles ou une vocation naturelle des Canadiens français pour l’agriculture. S’inspirant des travaux d’histoire économique, notamment ceux des Canadiens anglais Harold Innis et Donald Creighton, il démontre que l’infériorité économique des Canadiens français découle de l’absence de marchés commerciaux après la Conquête.
Le faible nombre de publications de Séguin contraste avec la richesse et l’impact de son enseignement. Tout au cours de sa carrière universitaire (1948-1984), Maurice Séguin aura grandement influencé plusieurs générations d’étudiants notamment avec son interprétation néonationaliste de l’histoire des deux « Canadas ». Cette nouvelle interprétation de l’histoire qui a fourni des bases théoriques à l’indépendantisme québécois a essaimé dans le mouvement nationaliste québécois moderne de l’après-guerre. Au plan politique, c’est le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), mouvement indépendantiste créé en 1960 et devenu parti politique en 1963, qui a adopté les analyses historiques de Maurice Séguin — qualifiées dans l’historiographie comme étant le « néonationalisme » — et plus largement l’ensemble du mouvement indépendantiste au cours des années 1970.
Julien Goyette, historien
Université du Québec à Rimouski