Hier ne meurt jamais. Vision et désillusions d’une quête identitaire féminine au Québec. La Bonne Parole, organe de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, 1913-1958
De mars 1913 à 1958 paraît La Bonne Parole, organe de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste. Pendant 45 années, les responsables de l’association féminine montréalaise parviennent donc à publier les 384 numéros d’une revue dont elles veulent faire un lien entre les membres de la Fédération et une voix pour les principes catholiques d’action sociale. Dans l’analyse que nous avons menée dans cette thèse, nous avons appréhendé ce matériau comme une véritable tentative de prise de parole par les membres d’un groupe, favorisant, par un recours conscient ou non à des stratégies spécifiques tant discursives qu’administratives, la construction de leur identité groupale. Les sources exploitées, dossiers provenant du fonds d’archives de la Fédération et textes publiés dans la revue même, soumises à des méthodes d’analyse de contenu à la fois qualitatives et quantitatives, ont permis de mettre en lumière ces stratégies qui s’imbriquent les unes aux autres pour former un édifice discursif complexe. Les résultats obtenus témoignent alors d’une difficile quête identitaire, se matérialisant d’abord par une définition très progressive des objectifs de la revue, ainsi que par une appropriation graduelle du matériau qu’elle constitue par les femmes de la Fédération. Un noyau restreint d’auteurs émerge alors, qui s’affirment peu à peu comme les « moteurs » de La Bonne Parole. Des décisions administratives, essentiellement financières, directement liées à la vision que les membres dirigeants de la FNSJB, notamment Mme Marie Gérin-Lajoie, avaient élaborée de leur organe de presse, vont par ailleurs s’avérer, à long terme, malheureuses pour l’état de santé financière de celui-ci, le condamnant à vivre avec une maladie dont les symptômes contribueront à l’emporter. Enfin, les choix discursifs, par les représentations véhiculées au cœur même de La Bonne Parole, mettront en scène une association unie de cœur et d’esprit, mais également de mémoire, lui définissant des cadres spatiaux, idéologiques et temporels au sein desquels la figure centrale de Marie Gérin-Lajoie prendra toute son ampleur. Ces représentations vont cependant peu à peu restreindre la possibilité de léguer la FNSJB à une nouvelle génération et l’ancrer vers « un hier qui ne meurt jamais ». Et pourtant, 45 années après son lancement, La Bonne Parole s’éteint, mettant un terme à cette quête identitaire empreinte de joies et de succès, de douleurs et de déceptions.