Une historiographie de la Révolution tranquille de 1960 à 2000 : pour une grille de lecture générationnelle

Résumé

Dans l’historiographie québécoise, la Révolution tranquille a été interprétée de plusieurs manières différentes. Les intellectuels issus de la génération du rattrapage, c’est-à-dire ceux qui sont nés durant l’entre-deux-guerres et qui ont affronté Duplessis pendant les années 1950, interprètent la Révolution tranquille comme l’étape ultime qui marque le passage de la société traditionnelle à la société moderne. Leur interprétation établit une rupture entre, d’une part, une société retardataire en raison de sa tradition et de son repli sur l’agriculture, la religion et la famille et, de l’autre, une société de rattrapage qui résorbe durant la Révolution tranquille le décalage qui s’est creusé dans le passé entre la culture et les structures socio-économiques.

La génération de la révolte et de la compétence technique (les baby-boomers), en tant qu’héritière de la Révolution tranquille, est porteuse d’un programme modernisateur qui vise à réhabiliter la société québécoise d’avant 1960 en montrant qu’elle a parcouru un cheminement semblable aux autres sociétés occidentales sur lesquelles elle n’était pas en retard. Son interprétation de la Révolution tranquille se situe dans la tradition de l’histoire sociale et présente l’évolution de la société québécoise durant les années 1960 de façon à ce que les phénomènes structurants comme l’industrialisation, l’urbanisation et les changements démographiques aient un impact déterminant dans le dénouement de l’histoire.

Pour tenter de dépasser l’interprétation modernisatrice de la Révolution tranquille, différents spécialistes de la génération de l’entre-deux-guerres déposent un plaidoyer en faveur de l’historiographie du rattrapage et revoient une partie de son argumentaire. Lors du débat historiographique qu’engendre ce conflit intergénérationnel, quelques membres de la génération de la révolte et de la compétence technique proposent, à leur tour, de surpasser l’interprétation modernisatrice par le truchement de quelques compromissions. Enfin, au même moment, une autre voie s’ouvre : elle fait état d’une filière religieuse de la modernité québécoise. Développée entre autres par la génération désenchantée, c’est-à-dire par les déshérités de la Révolution tranquille pour reprendre une expression de Gérard Bouchard, celle-ci n’en finit plus de régler ses comptes avec les baby-boomers qu’elle juge narcissiques, repliés sur leurs désirs et leurs besoins et responsables de la technocratisation du Québec ainsi que de la surconsommation. Ce portrait navrant des baby-boomers nourrit une certaine désillusion à l’égard de l’héritage de la Révolution tranquille et incite la génération désenchantée à retrouver, dans le passé, l’idéal perdu, l’éthique religieuse qui inspirait les positions sociales et politiques des contemporains de la Révolution tranquille. Elle perçoit la Révolution tranquille comme l’instauration d’une logique bureaucratique qui dénature l’idéal religieux qui avait inspiré la critique de la hiérarchie ecclésiastique et la démocratisation de la société.

Année de publication
2009
Type
Mémoire de maîtrise
Université
Université de Sherbrooke
Nombre de pages
164
Ville
Sherbrooke
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