Shawiniganaises et travailleuses : les employées de bureau de la Shawinigan Water and Power, 1945 et 1963

Résumé

L’historiographie qui porte sur le travail rémunéré des femmes au Québec remonte à une trentaine d’années. Les études se penchent presqu’exclusivement sur des cas montréalais. L’historiographie des régions québécoises se concentre surtout sur le développement économique et industriel des petites villes et des campagnes. Cette étude vise à mieux connaître l’histoire des travailleuses en région, et particulièrement à Shawinigan.

Comment la dynamique de petite ville industrielle de Shawinigan a-t-elle façonné la vie de travail des femmes entre 1945 et 1963? Nous avons choisi de prendre comme exemple les employées de bureau de la Shawinigan Water and Power, l’entreprise fondatrice de Shawinigan et l’un des employeurs les plus influents de la petite municipalité. Pour répondre à cette question, nous avons eu recours aux journaux d’entreprise et à divers documents des archives d’Hydro-Québec, aux journaux locaux de l’époque ainsi qu’à des entrevues avec six anciennes employées de la Shawinigan Water and Power.

Dans les années cinquante, la ville de Shawinigan jouit encore d’un certain prestige même si l’économie locale, basée sur l’industrie lourde et le textile, est sur le point de s’effondrer. La vie communautaire est très dynamique et les activités culturelles et sportives multiples. La population shawiniganaise est majoritairement canadienne-française et catholique. On compte toutefois une élite anglophone protestante très influente. Les possibilités d’emplois offertes aux femmes demeurent réduites mais les sources démontrent que plusieurs d’entre elles peuvent choisir ou non de se marier, devenir propriétaire et voyager. Des femmes mariées et des mères choisissent aussi de continuer à occuper un emploi rémunéré.

La Shawinigan Water and Power a utilisé de nombreuses pratiques paternalistes et de corporate welfare capitalism dans la gestion de son entreprise. Ces pratiques se sont révélées fort efficaces puisque les employés, bien que syndiqués, étaient peu militants au sein de la compagnie-mère. Cette culture d’entreprise, ainsi que les relations entre les cadres anglophones et les employés francophones, ont grandement influencé la vie quotidienne des travailleuses. Même si leur accès à des promotions demeurait réduit, certaines employées ont su se réaliser au travail. Elles ont également développé une culture propre marquée par la camaraderie et l’entraide.

Ces constatations nous amènent donc à conclure que malgré la petite taille de la ville de Shawinigan, ce qui implique souvent un milieu plus conservateur, et le nombre réduit de modèles proposés aux femmes, certaines Shawiniganaises des années cinquante ont pu mener une vie de travail bien remplie et enrichissante. Les employées de la Shawinigan Water and Power, qui travaillaient en anglais et côtoyaient des anglophones, ont également pu découvrir une autre culture et un autre mode de vie. Cette influence, différente de celle de leur milieu familial, les a amenées à développer de nouveaux modèles de vie. Tenaillées entre deux cultures, les Shawiniganaises ont développé un mode de vie moins conservateur, précurseur de la Révolution tranquille qui était sur le point d’éclore au Québec.

Année de publication
2010
Type
Mémoire de maîtrise
Université
Université du Québec à Montréal
Nombre de pages
213
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