Pierre Vallières, ou, Le danger d’occulter le passé
L’objectif principal de la recherche est de situer le parcours personnel de Pierre Vallières dans les mouvements sociaux québécois des années 1950 à 1990 et aussi situer son analyse de la société québécoise dans la production idéologique de son temps.
Pierre Vallières, ce penseur québécois né en 1938 d’un père ouvrier et d’une mère au foyer, a suivi un parcours sinueux. D’ailleurs, il se veut un représentant à la fois typique et atypique de la gauche québécoise de son époque. Par ses écrits, il a contribué avec toute la jeunesse de gauche, voire la plus grande partie de la jeunesse des années 1960 et 1970, à rejeter l’Église institution, pilier de la société québécoise traditionnelle. Également, il avait la profonde conviction, comme bien d’autres jeunes de l’époque, qu’une révolution indépendantiste et/ou socialiste allait assurer la libération, l’autonomie et le développement de la société québécoise, qui allait désormais s’établir à partir de nouvelles bases. En ce sens, son parcours est bien typique de celui de ses contemporains. Toutefois, avec la crise économique des années 1980, est apparue la désagrégation du lien social résultant d’un État tourné davantage vers les solutions néolibérales. Cette situation sociale d’ensemble a coïncidé, pour Pierre Vallières, avec une réflexion renouvelée, nourrie par une appropriation de la spiritualité franciscaine, sur les moyens de parvenir à un changement social durable et profond susceptible de renforcer les liens sociaux et de tisser une vie communautaire plus serrée. C’est à ce moment qu’il effectue un retour à Dieu; il le redécouvre sous une nouvelle forme qu’il ne l’avait fait, dans sa jeunesse, lors des années 1960. Il perçoit le christianisme non plus comme étendard d’une Église institution de pouvoir, mais comme ferment d’un authentique désir et élan de fraternité humaine. En cela, Vallières devient atypique de sa génération. Par ailleurs, l’analyse de Vallières, à cet égard emblématique du peuple québécois, permet de constater qu’un rapport hostile et honteux à son passé et à soi-même perturbe de telle sorte le sens de l’identité personnelle et collective qu’ il empêche de bâtir un avenir libérateur. En grande partie, Vallières a eu de la difficulté à donner une direction rectiligne à sa vie et à se projeter vers un avenir reluisant. Particulièrement, car il a eu de la difficulté à assumer son histoire et à considérer de manière positive l’héritage traditionnel canadien-français. Sans ancrages, il a, à plusieurs reprises, tenté de se libérer ou de libérer la société québécoise en rejetant son passé. Du coup, il s’est inscrit auprès de différents groupes sociaux, qui avaient parfois des visions opposées, afin de favoriser des moyens personnels ou collectifs de libération. En fait, il a trouvé sa véritable voie de libération lorsqu’il s’est réconcilié avec son passé et les éléments de sa culture cléricale et canadienne-française. À ce moment, il renoue avec le christianisme, d’une manière renouvelée grâce au franciscanisme, et une paix intérieure l’habite enfin. Dès lors, il s’appuie sur de solides bases pour libérer les siens.