Les couturières en Nouvelle-France : leur contribution socioéconomique à une société coloniale d’Ancien Régime
On présume généralement que, à l’époque préindustrielle, les mères de famille ont le monopole de la confection des textiles et des vêtements. On soupçonne aussi que des couturières de métier desservent une clientèle surtout aisée. Différentes catégories de gens de métier masculins du Canada sous le Régime français ont fait l’objet d’études attentives, mais les couturières sont demeurées dans l’ombre. D’un autre côté, malgré la publication de plusieurs études, l’histoire des femmes de cette période ressemble toujours à une grande tapisserie où de larges pans ne sont pas complétés. Exploitant une variété de sources, cette étude prend comme point de départ les livres de comptes d’un marchand de Montréal au XVIIIe siècle. Dans cette étude, nous explorons le type de formation que les couturières ont pu recevoir à travers la pratique qui en découle. Nous analysons leur appartenance et leurs relations sociales ainsi que leurs liens avec la traite des fourrures, moteur économique de Montréal. Les contrats de mariage sont comparés à ceux d’autres milieux artisans. Le comportement démographique, d’une part, et la relative autonomie dont elles semblent disposer, d’autre part, témoignent grossièrement de schémas sociaux particuliers. Nous montrons que, contrairement à une idée largement répandue, les couturières ne sont pas nécessairement pauvres, du moins au XVIIIe siècle, et qu’elles sont intégrées au milieu des artisans aisés et des petits commerçants.