Le mouvement ouvrier montréalais, 1918-1929 : structure et conjoncture
Cette thèse traite de l’évolution du mouvement ouvrier montréalais de 1918 à 1929. Nous examinons les diverses organisations ouvrières, tant leur structure et leur composition, que les différentes idéologies qui coexistent dans les groupes ouvriers de la région montréalaise. Après avoir retracé les origines de ces organisations et leur évolution au cours de la Première Guerre mondiale, nous analysons leur développement au cours de la décennie qui suit la fin de la guerre. Nous cherchons, au-delà des présupposés et des généralités, à comprendre le processus d’évolution du mouvement ouvrier montréalais.
L’analyse de l’évolution des syndicats et des organisations politiques permet de saisir toute la complexité de rapports sociaux et les difficultés pour les travailleurs d’occuper une place significative. Notre analyse décrit aussi la place des diverses composantes nationales présentes dans le mouvement ouvrier montréalais. Nous insistons sur la place des travailleurs francophones et sur le rôle des travailleurs juifs jusqu’ici méconnu.
Nous subdivisons cette tranche historique en trois périodes qui recoupent des conjonctures spécifiques. Les années de l’immédiat après-guerre sont marquées par une très forte agitation ouvrière alors que de très nombreux ouvriers et ouvrières se dotent de syndicats et revendiquent de meilleures conditions de vie et de travail. Le syndicalisme international de métier voit sa prédominance contestée par le syndicalisme canadien et le syndicalisme révolutionnaire. À droite de l’échiquier syndical, le syndicalisme catholique s’installe définitivement au Québec et constitue une des caractéristiques majeures du mouvement ouvrier québécois. L’effervescence ouvrière ne débouche pas sur des organisations politiques fortes malgré l’existence d’un parti ouvrier qui obtient quelques gains électoraux alors que les organisations de gauche doivent se réorganiser, victimes notamment de la répression gouvernementale et patronale.
La crise, qui s’enclenche dès le milieu de 1920, affecte considérablement des organisations ouvrières lorsque le capitalisme tient à revenir aux situations qui prévalaient avant la guerre. Les organisations syndicales cherchent à résister à cette stratégie mais le nombre de syndicats décroît. Toutefois, cette baisse du membership syndical ne ramène pas le nombre de syndiqués au niveau de 1913 parce que, parmi les syndicats apparus dans la foulée de la révolte ouvrière, de nombreux syndicats résistent efficacement, dont des syndicats canadiens et des syndicats catholiques. La gauche se réorganise autour du Parti communiste canadien, creusant un fossé entre eux et le reste des militants ouvriers. Le Parti ouvrier du Canada entreprend sa lente marginalisation.
Au milieu de la décennie, profitant d’une reprise économique, le mouvement ouvrier se relève. Les syndicats se réorganisent, leur membership augmente et leurs revendications deviennent plus offensives montrant ainsi un regain de militantisme. Mais les divisions s’accentuent dans les rangs syndicaux alors que les syndicats canadiens et catholiques contestent de plus en plus le leadership occupé par les syndicats internationaux de métier. Au plan politique, le Parti communiste occupe pratiquement toute la place, les socio-démocrates se voyant relégués à quelques bastions.