La naissance du confort, ou, La mutation de la vie quotidienne dans la vallée du Saint-Laurent (1790-1835)
L’objectif de cette thèse est de cerner certains aspects du confort matériel au Bas-Canada à une époque où nombre d’études décèlent une augmentation des niveaux de richesse et une accumulation de biens de toutes sortes chez plusieurs groupes sociaux. C’est également à cette époque que la notion de confort connaît des changements d’acception et que la réalité qu’elle recouvre n’atteint plus seulement les couches les plus fortunées de la société.
Les domaines retenus sont d’abord le chauffage et l’éclairage, deux aspects du confort qui affectent directement les gestes de la vie quotidienne; ensuite le décor, un domaine qui permet d’aller au-delà de l’énumération et de l’identification des objets pour saisir l’atmosphère de certaines habitations; enfin l’hygiène personnelle, une source de bien-être dont les lents changements en Europe comme en Amérique, bien que plus difficiles à mesurer que les précédents. sont tout de même réels.
Inspiré de quelques études françaises et américaines – les études canadiennes font défaut – nous avons d’abord choisi les thèmes les plus pertinentes à l’étude du confort, puis procédé ensuite de façon empirique en interrogeant les inventaires après décès, les documents les plus riches d’informations sur ce sujet. Les données chiffrées que les programmes informatiques nous ont livrées ont ensuite été confrontées aux journaux contemporains et aux récits de voyage, deux sources qui se sont révélées des plus utiles à l’étude de ce vaste champ qu’est la vie matérielle.
Les conclusions générales sont décisives sur les trois premiers aspects soumis à l’enquête. Le chauffage, l’éclairage et le décor des habitations connaissent en effet des améliorations plus ou moins considérables selon les groupes sociaux et les niveaux de fortune. Ces résultats n’étaient pas inattendus. L’enquête visait certes à démontrer qu’il y avait bel et bien transformation, mais il était encore plus important de pouvoir apporter les nuances qui seules permettent d’évaluer le rythme, l’ampleur et la répartition socio-géographique des transformations. Quant au dernier volet de l’enquête, l’hygiène personnelle, la méthode utilisée précédemment ne s’est pas révélée aussi efficace, sans doute parce que l’inventaire n’est pas aussi fiable ni constant quand il s’agit de biens destinés à l’entretien du corps. Aussi, les résultats ont-ils été confrontés avec encore plus d’attention aux autre sources les plus pertinentes que sont les journaux et les stocks de marchands. Les mutations sont réelles ici également. les données chiffrées indiquant une progression dans presque tous les aspects analysés : barbe, cheveux, dents, ablutions et fonctions naturelles. La lente mutation des attitudes face au corps et à l’utilisation de l’eau n’est cependant pas un phénomène aisément quantifiable, de sorte qu’il reste de nombreuses interrogations en ce domaine malgré les progrès certains accomplis durant le premier tiers du XIXe siècle.
