L’enfantement dans un Québec moderne : générations, mémoires, histoire

Résumé

Cette recherche explore la façon dont les mères ont vécu l’enfantement dans le contexte d’un Québec qui se modernise durant la seconde moitié du XXe siècle. L’intensification de la médicalisation de la naissance a radicalement transformé l’expérience séculaire de la mise au monde. En 1950, la majorité des enfantements se déroulent sous anesthésie, selon le modèle de l’accouchement dirigé, dans le cadre de l’hôpital industrialisé. Ce modèle unique est appliqué à pratiquement toutes les Québécoises dès le début de la décennie 1960. Par ailleurs, l’esprit réformiste de la Révolution tranquille favorise la mainmise de l’État et de sa bureaucratie sur l’enfantement à partir des années 1970. La naissance est dès lors dominée par un appareil médico-étatique qui la gère à sa façon, selon des principes de rationalisation. Avec plus ou moins de discernement, il se montre toujours plus résolu à « sécuriser » les naissances, c’est-à-dire à les rendre « sans risques » ou presque. D’un autre côté, les contemporaines continuent de subir le lourd conditionnement de la vision rationaliste moderne et des représentations corporelles inculquées par la médecine et que de nombreuses générations de femmes avant elles ont intériorisé depuis la Renaissance. Toutefois, une observation du point de vue des femmes elles-mêmes permet de voir émerger de nouvelles sensibilités autour de la naissance. Cette mutation offre un terreau favorable à une affirmation féminine sans précédent au Québec durant les années 1970 et 1980 exigeant une humanisation de la naissance. Des corpus de sources primaires (orales et écrites) montrent que l’expérience de l’enfantement est loin de se résumer à celle du corps et qu’elle est porteuse pour les femmes. Ils montrent également la montée de la subjectivation féminine. Dans la recherche contemporaine de nouveaux équilibres, nous avons observé, à l’instar des travaux d’Alain Touraine, le rôle déterminant joué par les femmes dans l’élaboration d’une modernité qui s’achemine vers un meilleur accomplissement, grâce à un équilibrage plus symétrique entre ses principes fondateurs, la défense du sujet personnel et une action rationnelle qui, d’instrument privilégié de la liberté humaine, avait évolué en bras de pouvoir bureaucratique et technocratique.

Année de publication
2010
Type
Thèse de doctorat
Université
Université Laval
Nombre de pages
379
Lien vers la référence
Exporter la référence