Institutions et élites locales. La municipalité d’Hochelaga de 1860 à 1883
Au XIXe siècle, avant son annexion à la cité de Montréal, Hochelaga forme une municipalité de village située à proximité de la grande ville. De 1860 à 1883, l’industrialisation et l’urbanisation, deux processus au demeurant intimement liés, provoquent de profondes transformations de la structure sociale de la municipalité, dont la population se multiplie par quatre alors que de nombreux ruraux canadiens-français viennent y expérimenter une première urbanisation. Dans cette étude, nous analysons le profil socioéconomique des élites qui ont dominé la structure institutionnelle du pouvoir local à Hochelaga de 1860 à 1883. Plus précisément, nous examinons les caractéristiques socioéconomiques de ce personnel ayant occupé des charges publiques ou administratives de haut rang, au sein de quatre institutions constitutives du pouvoir local soit la fabrique, les tribunaux populaires, la municipalité scolaire et le Conseil municipal. L’examen de variables telles que le statut socioprofessionnel et le niveau de fortune nous démontre que c’est avant tout une petite bourgeoisie qui a dominé cette structure de pouvoir. En effet, bien que plus riches que la majorité de leurs concitoyens, les élites institutionnelles d’Hochelaga ne se sont pas recrutées parmi les propriétaires les plus fortunés de la municipalité, loin s’en faut. Issues des couches intermédiaires de la structure sociale, ces élites sont surtout composées d’artisans, de boutiquiers, de cols blancs et de membres des professions libérales. Se situant entre une grande bourgeoisie de marchands, d’industriels et de propriétaires fonciers, et une majorité de la population composée de journaliers et d’ouvriers qualifiés, ces élites locales se sont vues confier la délicate tâche de réconcilier la somme des intérêts divergents au niveau local. À cet égard, l’étude de quelques conflits locaux illustre la difficulté pour cette petite bourgeoisie de trancher entre les ambitions d’une grande bourgeoisie soucieuse de la plus-value foncière de ses propriétés et la nécessité d’assurer le développement harmonieux d’une municipalité où ces élites locales tirent pouvoir, prestige et légitimité.