L’engagement des femmes en politique au Québec : histoire de la Fédération des femmes du Québec de 1966 à nos jours
La Fédération des femmes du Québec, fondée en 1966, regroupe à ce jour cent cinquante associations et près de mille membres individuelles. Elle est reconnue comme leader du mouvement des femmes par son implication politique et ses actions féministes d’envergure telles que la marche Du pain et des roses en 1995 et la Marche mondiale des femmes en 2000. La FFQ est un groupe de pression qui intervient au niveau politique pour défendre les droits des femmes, pour revendiquer l’égalité entre les sexes et promouvoir la mise en place des réformes nécessaires.
Dans cette thèse, nous présentons un récit événementiel des quarante-deux premières années de la Fédération des femmes du Québec afin de mieux connaître cette organisation et contribuer ainsi à éclairer l’histoire du mouvement des femmes au Québec. Plus spécifiquement, nous étudions l’évolution de l’identité de cette Fédération. Deux facettes de son identité sont analysées dans cette thèse, il s’agit de son identité féministe et son identité nationaliste et des rapports qui s’articulent entre les deux. Cette thèse étudie de quelle manière les féministes au Québec se sont impliquées dans les débats politiques qui touchent la question nationale afin de démontrer que la FFQ y a joué un rôle politique, notamment par le biais des alliances partisanes de ses présidentes qui ont influencé les positions de la Fédération concernant cette question. En effet, en étudiant plus spécifiquement le parcours de chacune des présidentes, nous avons mis au jour tout un volet caché du mouvement des femmes, soit son alliance tangible avec les partis politiques. L’analyse des orientations politiques de la Fédération des femmes du Québec nous a permis de faire ressortir comment, tout au long de son histoire, cette fédération a pris part au débat sur l’avenir constitutionnel du Québec, ce qu’aucune étude sur le mouvement féministe québécois n’avait approfondi.
Nous illustrons aussi comment des leaders de la FFQ, notamment Françoise David, Vivian Barbot, Yvette Boucher-Rousseau, Monique Jérôme-Forget, Sheila Finestone, Monique Bégin, Céline Signori, Constance Middleton-Hope et plusieurs autres, qui agissaient sur le politique par le recours au lobbying pour promouvoir les intérêts de leur groupe, ont utilisé la Fédération comme tremplin vers des postes politiques en vue, comment ces femmes influentes ont ainsi transité du contrepouvoir au pouvoir.
La Fédération des femmes du Québec est née au début de ce que l’on nomme la deuxième vague du féminisme : la première vague faisant référence à la lutte pour l’obtention du droit de vote des femmes, on associe le féminisme de la deuxième vague à la résurgence du féminisme au début des années 1960. Cette période, importante non seulement pour l’essor que le féminisme y a connu mais aussi au regard du développement de l’idéologie nationaliste québécoise, nous a permis d’observer et d’interpréter les mutations idéologiques de la FFQ. Par exemple, alors qu’au début elle est nationaliste canadienne, nous montrons comment elle devient à la fin des années 1980, nationaliste québécoise, évoluant ainsi dans un contexte caractéristique du Québec : la présence de deux nationalismes qui s’affrontent et se côtoient. Les principaux événements que nous avons retenus sont le centenaire de la Confédération canadienne, la crise d’Octobre 1970, les référendums sur la souveraineté du Québec de 1980 et de 1995, le mouvement des Yvettes, les Accords du Lac Meech, l’Entente de Charlottetown et quelques élections au Québec et au Canada.
Les sources premières sont le fondement de notre recherche. Ces sources, sont constituées de procès-verbaux de réunions des différentes instances, de rapports annuels, de bilans des présidentes, de quelques mémoires soumis aux autorités municipales, provinciales et fédérales, de quelques numéros d’une publication régulière de la Fédération, les statuts et règlements, ainsi que de photos, de cassettes audio et vidéo, d’outils de promotion et de correspondance.
Nous avons consulté les archives de la FFQ mais également les archives personnelles d’Yvette Boucher-Rousseau et d’Huguette Lapointe-Roy, que ces anciennes présidentes, aujourd’hui décédées, ont léguées à l’UQÀM ainsi qu’aux Archives nationales du Québec. D’autres présidentes, notamment Réjane Laberge-Colas, Ghislaine Patry-Buisson et Françoise David, nous ont permis de consulter leurs archives personnelles.
Cependant, nous avons voulu accorder à l’histoire orale une place importante dans notre démarche. Ainsi, nous avons réalisé des entrevues approfondies avec les anciennes présidentes toujours vivantes, dont deux fondatrices de la FFQ. Ces entrevues auprès de celles qui ont fait et qui font l’histoire de cette Fédération contribuent selon nous à prèserver la mémoire de cette époque, ce que nous pensons être un apport original.