Des systèmes politiques en quête de légitimité : terres « seigneuriales », pouvoirs et enjeux locaux dans les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent (1760-1860)

Résumé

Cette thèse de doctorat porte sur la manière dont s’exerce localement le pouvoir politique au sein de deux communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent (Kahnawake et Odanak) entre la Conquête (1760) et le transfert de Londres vers l’administration coloniale de la pleine responsabilité dans la gestion des Affaires indiennes (1860). Délaissant la question traditionnelle du rôle diplomatique des chefs auprès des autorités coloniales, cette thèse se concentre plutôt sur leurs prérogatives liées à la gestion des terres et des ressources dans les terres « seigneuriales » du Sault-Saint-Louis (Kahnawake) et de Saint-François (Odanak). À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, les chefs font en effet de la gestion des terres et des ressources possédées communalement l’une des principales assises de leur autorité.

Après la Conquête et le départ de leurs anciens tuteurs officieux (les jésuites), les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak agissent comme « seigneurs », sans l’intervention des autorités coloniales. À ce titre, ils concèdent des censives à des Canadiens, gèrent le moulin banal, nomment des intermédiaires et déterminent de l’utilisation des redevances « seigneuriales ». Dans la même foulée, les chefs cherchent à affermir leur autorité sur leur « domaine », soit sur les terres que les membres de ces communautés se réservent pour leur propre usage. Les prérogatives revendiquées par les chefs, notamment celles de réglementer l’usage des terres et des ressources, sont toutefois contestées par certains membres de leur communauté. Au cœur de notre problématique se situe donc la manière dont les Autochtones conçoivent et contestent la légitimité de l’autorité exercée par leurs chefs et les modalités de la réponse de ces derniers qui tentent de maîtriser ces contestations.

Cette thèse met également en lumière la manière dont le gouvernement colonial entend asseoir son autorité sur les terres des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent à partir des années 1820. Les autorités coloniales nomment alors des agents pour récolter les redevances « seigneuriales » à la place des intermédiaires nommés par les chefs. Tirant profit des conflits intracommunautaires, les officiers des Affaires indiennes accroissent, dans la décennie suivante, leur contrôle sur la gestion des fonds publics des communautés autochtones dans le but que ces revenus soient utilisés en vertu des visées de la nouvelle politique de civilisation. L’autorité des chefs autochtones se trouve dès lors fragilisée, car ceux-ci doivent désormais rendre compte de la manière dont ils emploient les fonds publics aux officiers des Affaires indiennes. Des membres des communautés autochtones réclament en outre de plus en plus d’avoir un mot à dire à cet égard.

Finalement, cette thèse démontre comment les transformations de l’État bas-canadien dans les années 1840 et 1850 influencent le pouvoir des chefs autochtones ainsi que le statut de leurs terres. Pour se distinguer des nouvelles structures de pouvoir local que sont les corporations municipales, les Autochtones revendiquent un statut de pupille de la Couronne britannique et favorisent également l’uniformisation du statut de leurs terres. La mise en évidence de l’absence de personnalité juridique des communautés autochtones permet également aux Affaires indiennes d’accroître leur contrôle sur les terres des Autochtones au détriment de l’autorité des chefs, qui apparaît alors de plus en plus précarisée au milieu du XIXe siècle.

Année de publication
2017
Type
Thèse de doctorat
Université
Université du Québec à Montréal
Nombre de pages
413
Ville
Montréal
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