Contrôle de la moralité sexuelle et loi criminelle : de la répression de l’obscénité à l’adoption du Bill omnibus, 1953-1969
Ce mémoire s’intéresse au rapport entre la loi criminelle et la moralité sexuelle à une époque où la société québécoise se sécularise et où le pouvoir de l’Église catholique ne fait que décliner. Cette période allant du début des années 1950 à l’aube des années 1970 est non seulement marquée par de grandes transformations sociales, mais le courant libéral qui prévaut alors opère graduellement une importante mutation du lien existant entre l’individu et la morale sexuelle catholique. Alors que l’Église catholique avait généralement dicté les règles, un acteur prend place au cœur de l’histoire de la régulation de la moralité sexuelle de cette seconde moitié du XXe siècle : l’État.
Notre recherche est construite autour de deux épisodes : la lutte menée par le clergé catholique et par des réformateurs moraux sur le terrain législatif contre les imprimés obscènes dans les années 1950 et l’adoption par le Parlement canadien d’un projet de loi décriminalisant des actes pouvant être jugés contraires à la morale à la fin des années 1960, mieux connu sous le nom de « Bill omnibus ». À la lumière des débats ayant eu lieu à la Chambre des communes et de la discussion ayant pris forme dans des revues québécoises, il est possible d’analyser l’évolution des discours entourant la criminalisation et la décriminalisation des choses liées au sexe tant au Parlement canadien qu’au sein de certains milieux québécois, notamment catholiques, du début des années 1950 jusqu’à la fin des années 1960.
Le transfert du religieux au légal s’inscrit dans un processus plus large de sécularisation de la société québécoise. L’institution religieuse, en perte de contrôle, souhaite faire du Code criminel un rempart pour les valeurs chrétiennes. Dans les années 1950, elle cherche un allié du côté du législateur dans sa croisade contre le commerce florissant de la littérature immorale. À la fin des années 1960, le Bill omnibus distingue ce qui relève du droit criminel de la morale privée des individus. L’adoption de ce projet de loi contrarie les attentes du clergé catholique et des députés conservateurs. La fonction pédagogique du Code criminel en matière de moralité sexuelle est rejetée au profit des valeurs propres au libéralisme que sont l’autonomie et la responsabilité de l’individu.