La muette éloquence des choses : Collections et expositions missionnaires de la Compagnie de Jésus au Québec, de 1843 à 1946

Résumé

À partir des années 1840, la mission catholique connut une expansion sans précédent. Dans la foulée de ce mouvement. les missions « québécoises » se disséminèrent aux quatre coins du monde. Les missionnaires expédièrent ou rapportèrent des objets de ces terres lointaines afin d’éduquer et d’édifier le plus grand nombre, de susciter des vocations ainsi que la générosité des fidèles. Au XXe siècle, le phénomène s’amplifia et certaines communautés missionnaires accumulèrent de véritables collections qui furent exploitées à leur maximum dans le cadre d’expositions missionnaires nationales. L’usage de ces dernières, comme moyen de propagande, culmina avec l’exposition Ville-Marie missionnaire, 1642-1942, tenue à l’oratoire Saint-Joseph lors des fêtes du tricentenaire de la ville de Montréal. Ces collections trouvèrent leur place dans les halls des maisons congréganistes, les musées pédagogiques ou missionnaires des communautés religieuses dont le plus important fut le Musée d’art chinois des jésuites, ouvert en 1931.

Afin de démontrer l’utilisation des objets dans le cadre des stratégies de propagande missionnaire, j’ai choisi d’étudier le cas de la Compagnie de Jésus, depuis la relance de ses missions dans la région des Grands Lacs en 1843 jusqu’au déménagement de son musée chinois de Québec à Montréal en 1946. Ce projet de recherche analyse la circulation des objets amassés par les missionnaires jésuites. en terre étrangère, à des fins de propagande. À ma connaissance, personne ne s’est penché de façon systématique sur l’objet de promotion missionnaire, ses déplacements et ses usages.

Dans un premier temps, j’ai circonscrit le phénomène d’acquisition d’objets dans tes territoires d’apostolat des jésuites du Canada – la région des Grands Lacs. l’Alaska et la Chine. J’ai défini les modes et les lieux d’acquisition notamment à partir des Archives de la Compagnie de Jésus du Canada français et de celles du Musée de la civilisation à Québec. gardien de la collection chinoise des jésuites. Cette étude a permis d’identifier les objets acquis, les agents qui les ont amassés et les motivations qui animèrent ceux-ci, révélant, au-delà des expositions et des musées, des usages commerciaux de l’objet comme la loterie et la vente.

Dans la seconde partie de la thèse. J’ai étudié de façon plus approfondie un des modes privilégiés de diffusion de l’objet de promotion missionnaire au XXe siècle : l’exposition temporaire. Les volumes-souvenirs publiés à l’occasion des expositions missionnaires nationales ainsi que les archives pertinentes des organismes responsables de ces événements comme celle de la Commission du tricentenaire de Montréal ont fourni la clef d’un modèle d’organisation des expositions fortement clérical. L’analyse du contenu de ces dernières a fait le jour sur la nature à la fois édifiante et divertissante d’une manifestation illustrant la « providentielle vocation missionnaire » du Canada français par le déploiement du passé missionnaire de la Nouvelle-France et des prouesses contemporaines des nationaux missionnaires sur le terrain.

Enfin, l’expérience expographique et muséale de la Compagnie de Jésus au Canada a offert par la diversité de ses formes. par la provenance variée des objets exposes et par la constance de sa pratique dans le temps, un bel exemple de représentation culturelle : représentation dominée par la vision du travail du missionnaire et les préjugés envers les populations missionnées.

Démontrer ainsi l’usage de l’objet comme outil de propagande missionnaire a permis de souligner l’évolution d’une contribution originale et méconnue au patrimoine québécois et plus largement, canadien.

Auteur
Année de publication
1999
Type
Thèse de doctorat
Université
Université de Montréal
Nombre de pages
441
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