Chant et mission en Nouvelle-France, espace de rencontre des cultures
La présente recherche porte sur la question du chant religieux en langues amérindiennes dans les missions de la Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’étude de la correspondance missionnaire, des récits de voyages et des manuscrits de chant liturgique rédigés en diverses langues par les missionnaires nous a fourni l’essentiel des données permettant de reconstituer la trajectoire de la musique religieuse chez les Amérindiens convertis et partant, d’éclairer un aspect peu connu de l’histoire ancienne des missions et des autochtones du Canada. En outre, la comparaison d’un grand nombre de témoignages sur le chant dans les missions canadiennes avec le contenu des manuscrits musicaux témoins de cette pratique a permis de mettre en lumière la richesse et l’étendue de la pratique du chant chez les Amérindiens. Au XVIIIe siècle, tous les autochtones convertis pratiquent le plain-chant en leur langue et même, en certains lieux, le petit motet polyphonique. La pratique continue du chant religieux chez les Amérindiens chrétiens, jointe à l’enthousiasme qu’ils démontrent à l’endroit des cérémonies du culte attestent un goût pour la musique européenne mais également une réceptivité certaine des autochtones à l’égard du fait religieux des Européens, du moins au XVIIIe siècle. Bien qu’elle s’inscrive en porte-à-faux avec l’idée reçue voulant que les Amérindiens aient subi la religion chrétienne, cette hypothèse se fonde néanmoins sur le fait avéré que les Amérindiens de la colonie française ont dû, plus ou moins consciemment, redéfinir leur identité sur l’échiquier colonial. Les temps avaient changé, les Amérindiens en étaient parfaitement conscients et considéraient désormais de nouvelles avenues à leur survie comme ethnies. Le chant et plus généralement la voix et l’expression vocale, se sont alors présentés à eux et à leurs missionnaires comme l’un des possibles lieux de rencontre, de dialogue et d’appropriation identitaire dans un monde en rapide mutation.