Autour de Chénier : les rébellions et la conscience historique canadienne et québécoise

Résumé

La mort héroïque de Jean-Olivier Chénier, lors de la bataille de Saint-Eustache, lui a conféré une valeur symbolique de héros, de martyr et de rebelle, et a fait de lui un emblème par excellence des Rébellions et de la nation canadienne en gestation. Pourtant, ce héros national tout désigné a été et reste encore l’objet d’une forte censure dans la mémoire collective. S’inspirant de la théorie et de la démarche freudiennes, l’auteur de cette thèse tente de comprendre ce qui rend si difficile l’assimilation de la mémoire de ce personnage par la conscience historique. Combinant l’histoire de la mémoire, la recherche historique et l’analyse de textes, l’auteur montre d’abord l’insuffisance des explications habituelles de cette censure, relevant de la politique et des idéologies. Il montre que derrière le souvenir de Chénier se cache une partie refoulée de l’histoire canadienne : loin d’être un épisode isolé de l’histoire, la défaite patriote met fin à une longue tradition de résistance et de démocratie populaires et, de ce point de vue, représente peut-être la véritable conquête. L’analyse des textes liés au personnage de Chénier permet de suivre la genèse d’une conscience malheureuse, repliée sur le conservatisme et la fétichisation des traits culturels, et dont l’origine s’enracine dans cette révolution ratée. Enfin, l’analyse du lien très étroit entre Chénier et Dollard des Ormeaux permet de montrer comment la fausse conscience et le refus du modèle héroïque se présentent comme deux manières équivalentes de refouler un élément trop dérangeant de l’héritage historique. Jean-Olivier Chénier est un personnage emblématique qui aurait dû devenir un facteur d’unité collective; il est toujours resté un objet de division. Il aurait dû inspirer la fierté, il a toujours été traité comme un objet de honte. Cette situation témoigne d’une quadrature du cercle identitaire aux conséquences dévastatrices, qui est peut-être la conséquence la plus grave de l’échec d’une population à se constituer en nation.

Auteur
Marc Collin
Année de publication
2006
Type
Thèse de doctorat
Université
Université Laval
Nombre de pages
336
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