Idola Saint-Jean, l’insoumise : biographie
Le 9 avril 1945, les portes de l’église de Saint-Léon de Westmount s’ouvrent pour laisser passer un étrange cortège funèbre. Le cercueil est porté par neuf femmes, des amies qui ont mené aux côtés de la disparue l’un des plus longs combats pour la démocratie. Dans les mois qui suivent les funérailles d’Idola Saint-Jean, journaux et revues célèbrent son engagement indéfectible et tenace pour l’obtention du suffrage féminin, l’amélioration du sort des plus vulnérables et la promotion de la langue française. Puis, silence radio. Idola Saint-Jean tombe dans l’oubli ou presque. Pourquoi?
À la différence de la plupart des femmes qui ont marqué notre histoire durant la première moitié du XXe siècle, elle n’est ni religieuse ni mariée. Il s’agit d’une femme autonome qui assure seule sa subsistance. Comédienne, gardienne de la langue française, journaliste, militante, c’est une self-made-woman. En un mot, c’est une femme insoumise.Insoumise, car elle refuse de se plier aux stratégies tout en douceur des féministes au langage réservé comme Marie Gérin-Lajoie ou au ton diplomatique comme Thérèse Casgrain. Insoumise, car elle ne cède pas devant l’establishment du Parti libéral et devient candidate libérale indépendante, ce qui en fait une paria de la politique de parti. Mais elle ne doit rien à personne.
Cette biographie, qui rend enfin à Idola Saint-Jean (1879-1945) la place qui lui revient dans l’histoire, nous fait découvrir une femme bien différente de ses contemporaines. Sa vie est l’incarnation d’un courant de pensée qui traverse ce siècle sans être soumis à l’Église. C’est la recherche d’une identité différente, urbaine, francophone, dégagée d’un lourd nationalisme du terroir. Durant toute son existence, cette femme a établi des ponts entre les femmes d’ici et celles d’ailleurs, entre anglophones et francophones, entre passé et présent.