Le Mouvement des Caisses Desjardins, de la modestie à la grandeur
Le 6 décembre 1900, il y a de cela 125 ans, des citoyens, des notables et des membres du clergé de Lévis se réunissent au local de la Société des Artisans canadiens-français, sur l’actuelle rue Bégin, à l’invitation d’Alphonse Desjardins, qui leur présente son projet : la création d’une coopérative d’épargne et de crédit, la première du genre en Amérique du Nord.
Le projet d’Alphonse Desjardins
L’idée travaillait déjà Alphonse depuis quelques années. Elle lui vient en 1897, alors qu’il est sténographe français à la Chambre des communes, à Ottawa. En avril, un projet de loi est déposé afin de limiter les excès des prêteurs privés et des banques en matière d’intérêts. La proposition intéresse vivement Alphonse qui, issu d’un milieu modeste, est bien au fait des difficultés financières de ses concitoyens.
Alphonse commence ainsi ses recherches, profitant de son accès à la Bibliothèque du Parlement pour se renseigner sur le mouvement coopératif européen et sur les banques d’épargne américaines. Il découvre rapidement H. W. Wolff, l’auteur d’un ouvrage sur les banques populaires avec qui il entreprend une riche correspondance. De plus, grâce à son implication au sein de la Société de construction permanente de Lévis, qui offre des prêts hypothécaires aux ouvriers, Alphonse connaît quelque peu ce milieu. Au gré de ses recherches et de sa correspondance, Alphonse formule son projet.
Il ne reste plus qu’à le présenter. C’est chose faite lorsqu’il réunit ses concitoyens lévisiens, le 6 décembre 1900. Au terme de la soirée, il a le soutien de la vaste majorité de son auditoire.
De Lévis aux États-Unis
La première caisse populaire ouvre ses portes à Lévis le 23 janvier 1901. La Société des Artisans canadiens-français l’accueille dans ses locaux. Les membres peuvent y effectuer leurs transactions trois soirs par semaine. D’autres préfèrent se rendre directement au domicile des Desjardins, ou encore font affaire avec des collecteurs qui se déplacent pour recevoir les dépôts.
Entre 1903 et 1906, lorsque son mari doit s’absenter, pour son emploi de sténographe à Ottawa ou encore pour donner des conférences, Dorimène, son épouse, le remplace comme gérante. Au cours des années suivantes, elle l’aide avec les travaux de comptabilité, sa correspondance et fait office de conseillère. Elle est véritablement la cofondatrice du Mouvement. Dans les cinq premières années, trois autres caisses ouvrent à Saint-Joseph de Lévis, à Québec et à Hull.
Celles-ci ne bénéficient toutefois alors d’aucune reconnaissance légale. Tout change en 1906, lorsque l’Assemblée législative du Québec, à l’instigation d’Alphonse, adopte une loi à cet effet. Dans les années qui suivent, le développement du Mouvement Desjardins prend de l’ampleur. Un service d’épargne pour les écoliers voit le jour en 1907 avec la création d’une première caisse scolaire. L’année suivante, Alphonse Desjardins fonde une première caisse en Ontario, à Ottawa, de même qu’aux États- Unis, dans le New Hampshire.
À sa mort en 1920, Alphonse laisse derrière lui une œuvre en pleine expansion. Il a personnellement participé à la fondation de 136 caisses au Québec, 19 en Ontario et 13 aux États-Unis. Ce qu’il entrevoyait pour l’avenir – une Fédération des caisses populaires et une caisse centrale – sera réalisé par les continuateurs de son œuvre. Peu après sa mort, des unions régionales de caisses populaires se forment. En 1932, la Fédération de Québec vient enfin les réunir. Il faudra toutefois attendre à la fin des années 1970 pour qu’une caisse centrale voie le jour.
Le Mouvement des Caisses Desjardins aujourd’hui
Depuis ses humbles origines lévisiennes, le Mouvement Desjardins est devenu le sixième plus important groupe financier coopératif au monde. Au fil des années, par son soutien envers la communauté et son apport à l’essor économique québécois, il a, plus que toute autre institution financière, contribué au développement de notre société. Véritable institution-phare du Québec, il compte désormais près de 200 caisses au Québec et en Ontario, en plus de centaines de points de service, et dessert 7,8 millions de membres et clients. Alphonse Desjardins savait-il à quel point il aurait un jour raison lorsqu’il écrivait : « La modestie des débuts n’est pas un obstacle à la grandeur future » ?