Simon-Napoléon Parent : un bâtisseur oublié

11 octobre 2025

Il y a 125 ans, un drame secouait la scène politique québécoise. Le 25 septembre 1900, pour la première fois de l’histoire, un premier ministre meurt en fonction. Félix-Gabriel Marchand s’éteint à l’âge de 69 ans. Pour lui succéder, un homme discret, mais un travailleur redoutable : Simon-Napoléon Parent. Aujourd’hui effacé de la mémoire collective, son legs est pourtant encore très présent à Québec.

Esquisse du pont de Québec. Source : Archives de la Ville de Québec.
Simon-Napoléon Parent est président de la Compagnie du pont de Québec. Source : Archives de la Ville de Québec

Simon-Napoléon Parent est né à Beauport en 1855. Issu d’un milieu modeste, il poursuit des études de droit à l’Université Laval. Entre-temps, il épouse Clara Gendron, avec qui il aura 13 enfants. En 1881, il ouvre un cabinet d’avocats rue Saint-Vallier à Québec, auquel s’associent des noms prestigieux.

Maire de Québec et député

À l’époque, la politique n’est jamais loin du droit. Parent fait son entrée sur la scène municipale où il est élu conseiller du quartier Saint-Vallier en 1890, puis maire suppléant avant de devenir maire de Québec (1894-1905). En même temps, il entre à l’Assemblée législative comme député libéral de Saint-Sauveur grâce au soutien de Wilfrid Laurier. Il occupe le poste de commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries dans le gouvernement de Félix-Gabriel Marchand (1897-1900).

Simon-Napoléon Parent est préoccupé par l’essor et l’embellissement de Québec. Dès 1897, sous sa houlette, la ville se dote d’un tramway électrique. Il amorce aussi une vigoureuse réforme financière tout en imposant rigueur et clarté lors des séances du conseil municipal.

Parent accélère la construction d’un nouvel hôtel de ville, fait approuver l’acquisition de terrains pour en faire un parc public : le parc Victoria, inauguré en 1897. Il fait également construire deux ponts (Victoria et Parent), améliore les installations portuaires, crée la première bibliothèque publique et initie la transformation des plaines d’Abraham en parc.

De plus, en tant que président de la Compagnie du pont de Québec, Parent joue un rôle central dans le projet de construction du célèbre pont. Il participe à la cérémonie de pose de la première pierre aux côtés du premier ministre du Canada, Wilfrid Laurier.

Premier ministre

Simon-Napoléon Parent. Source : Archives de la Ville de Québec

Le 3 octobre 1900, à la suite du décès du premier ministre Marchand, Wilfrid Laurier intervient sur la scène provinciale. Écartant les prétendants pressentis, il impose Parent à la tête du gouvernement québécois. Ce dernier accède ainsi au poste de premier ministre et voit ensuite sa nomination confirmée à l’issue des élections provinciales. Nombreux sont ceux qui soulignent la fulgurance de son ascension : en l’espace d’une décennie à peine, Parent est passé du statut d’avocat de quartier à celui de premier ministre.

Chose impensable aujourd’hui, Parent cumule pendant cinq ans les fonctions de maire et de premier ministre. Ce jeune quarantenaire conserve également le poste de commissaire dans le domaine des ressources naturelles (1900-1905), puis trésorier intérimaire (1903).

Le gouvernement Parent mise sur l’industrialisation plutôt que la colonisation, et adopte des mesures basées sur l’exploitation des richesses naturelles, souvent au profit de compagnies privées ou américaines.

Partageant son temps entre sa maison, son bureau d’avocat et ceux de l’hôtel de ville et du Parlement, Parent demeure aussi un fidèle lieutenant de Laurier, et s’implique dans chaque campagne électorale fédérale.

Fin de règne

Malgré de convaincantes victoires, le Parti libéral est en crise. En février 1905, ses ministres Lomer Gouin, Adélard Turgeon et William Alexander Weir, qui contestent son style de gestion et l’accusent de corruption, démissionnent. Bientôt, 44 députés demandent son départ. Blanchi par un comité parlementaire, il démissionne quand même de son poste de premier ministre le 21 mars, avant d’abandonner son siège de député et de maire en septembre.

Simon-Napoléon Parent décède à Montréal en 1920. Il repose toutefois dans sa ville, Québec, non loin du premier grand espace vert dont il l’a orné. Homme de réalisations, proche de ses commettants et bourreau de travail, il laisse une empreinte durable sur le visage de la capitale québécoise.

Orateur peu flamboyant, Parent s’est retiré discrètement, sans laisser de mémoires écrits, et fut vite éclipsé de l'imaginaire collectif par des figures plus marquantes comme Lomer Gouin, premier ministre du Québec pendant les 15 années suivantes.