Humour québécois
L’humour au Québec occupe une place importante dans la culture, si l’on en juge par le nombre d’humoristes que comptent le Québec, occupant toutes les plateformes possibles (salles, bars, radio, balados, réseaux sociaux, littérature, cinéma, télévision), soit environ trois cents comiques en 2023.
Si l’industrie du divertissement explique en partie cette croissance exponentielle de l’humour suivant une logique capitaliste et marchande, elle perpétue en même temps une longue tradition.
L’humour québécois plonge en effet ses racines dans la tradition et la culture orale. Il faut attendre les premières publications au cours du 19e siècle pour connaître ses caractéristiques, que ce soit dans les contes, les histoires courtes, les caricatures, les blagues politiques et parfois partisanes publiées dans les pages des journaux humoristiques qui florissent, bien que de façon éphémère. Si l’humour des contes se veut plus bon enfant avec son langage coloré, pittoresque et exposant la morale chrétienne, les journaux satiriques font abondamment dans le commentaire politique et parsèment leurs pages d’illustrations et de caricatures, participant à leur manière à la construction du pays et de l’identité canadienne et québécoise.
L’humour de scène se développe surtout à partir de la Première Guerre mondiale. Les premières troupes de théâtre burlesque prennent formes en même temps que les premières grandes vedettes comiques apparaissent dans la province. Le monologuiste a tout de même sa place parmi elles, le théâtre burlesque étant un spectacle de variétés présentant du mélodrame, de la chanson et toutes de sortes de « spécialités », allant du prestidigitateur au dresseur de chien. Le théâtre burlesque, aussi appelé vaudeville après la suppression de la ligne des danseuses au moment de la crise économique des années 1930, domine nettement le genre comique jusqu’au début des années 1950. La revue d’actualité occupe également une place importante pendant la première moitié du 20e siècle, culminant avec les Fridolinades de Gratien Gélinas au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le monologue y occupe une place importante, alors que Fridolin est parfois seul sur scène pour s’adresser à son public.
Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux artistes comiques se produisent dans les cabarets qui constituent le fer de lance d’une industrie du divertissement proprement québécoise. L’humour y est plus varié que jamais, à l’exception de la revue Fridolinades caractérisée par la richesse de son humour : burlesque, monologue social, blagues de cabarets, duo comique de fantaisistes, humour d’actualité et même la caricature, Normand Hudon animant un numéro de caricatures improvisé sur scène. De nombreux comiques y font leur début et plusieurs d’entre eux connaissent une longue carrière comme comédien, notamment Dominique Michel, Denise Filiatreault, Clémence Desrochers, Gilles Latulippe et Paul Berval.
Il reste que l’humour au Québec, dominé par l’autoritarisme du régime de Duplessis et l’Église catholique, demeure conservateur. Il faut attendre la mort de Duplessis et l’arrivée des Libéraux au pouvoir en 1960 pour que l’humour se libère de ses chaînes. Il suit alors l’évolution de la société québécoise fortement transformée par la Révolution tranquille. L’humour des années 1960-1970 s’intéresse particulièrement aux enjeux politiques et sociaux.
Dans les années 1980, le Québec voit apparaître un humour axé sur l’absurde avec sa galerie de personnages loufoques et décalés comme Ding et Dong et ceux du groupe d’humoristes Rock et Belles Oreilles qui deviennent probablement les plus grands parodistes dans l’histoire de l’humour québécois. Cette période voit aussi naître les premières institutions proprement québécoises qui permettent au spectacle d’humour d’occuper une place prépondérante dans l’univers culturel, soit l’entreprise Juste pour rire et l’École nationale de l’humour, alors que les humoristes des années 1990 se mettent au diapason de l’humour des stand up américains.