Une dévotion populaire dans les Cantons-de-L’Est : Saint-Gérard de Wolfe, sa signification et son évolution (1908-1969)
Le pèlerinage de Saint-Gérard de Wolfe naquit en 1908, au moment même où la religion populaire au Québec était dans son âge d’or. Située dans une paroisse alors nouvellement érigée et reculée des Cantons-de-l’Est, cette manifestation de dévotion populaire est consacrée à saint Gérard Majella, un père rédemptoriste italien ayant vécu au XVIIIe siècle. Malgré le caractère humble de ses installations, le sanctuaire de Saint-Gérard de Wolfe a tout de même réussi à acquérir au fil des années une certaine notoriété et une longévité plus qu’enviable. Son sens et son évolution sont dès lors fort intéressants à étudier. Toujours en activité au moment d’écrire ces lignes, la fête annuelle de saint Gérard a eu, durant ces années de gloire, une clientèle fidèle et bien particulière.
Si plusieurs se sont intéressés avant nous aux pèlerinages, peu l’ont fait dans le but de découvrir quelle clientèle constitue le bassin de fidèles adeptes de ces festivités religieuses. Au regard des données recueillies dans Les Annales de Saint-Gérard, le périodique publié par le sanctuaire entre 1926 et 1969, il est évident que le fidèle typique de saint Gérard est une femme habitant non loin de la paroisse où se trouve le sanctuaire qui souhaite bénéficier des grâces de son saint de prédilection. Ceci est évidemment un tableau bien sommaire du profil des fidèles, mais il démontre bien les résultats obtenus. Toutefois, ne nous méprenons guère : certains adeptes de saint Gérard viennent du reste du Québec, et même des États-Unis, et quelques-uns sont aussi des hommes, mais la grande majorité demeure des femmes.
Le titre de saint protecteur des mères et des enfants qui est attribué à saint Gérard y est certainement pour quelque chose. Ces femmes recherchent sécurité et réconfort auprès d’un saint dont la spécialité, croit-on, est d’intercéder dans les domaines qui les touchent le plus, c’est-à-dire la maternité et la famille. Suite à l’observation des réalités sociales et domestiques qui composent le quotidien de femmes, il est compréhensible que ces protagonistes soient aussi enclines à vouer un culte à saint Gérard.
Cet intérêt serait-il la conséquence de stratégies du clergé et des responsables de la revue désireux de voir une clientèle grandissante adhérer au culte de saint Gérard? Encore une fois, l’analyse des Annales de Saint-Gérard nous permet de répondre que oui, car au cours des années, les gens en charge du culte dont il est question ont multiplié les stratégies afin de le fortifier. Collaborateurs de prestige, présence de reliques, vente d’objets de dévotion, interpellation des femmes, mise en valeur du patronage de protecteur des mères et des enfants ne sont là que quelques-uns des stratagèmes mis en place pour accroître la fidélité des croyants.