Travail social et maternité hors mariage, 1950-1970 : Entre doctrine catholique et progressisme
La mère célibataire s’est vue attribuer, à travers le XXe siècle, de multiples étiquettes : fille déchue, psychosée, névrosée, assistée sociale (Chapitre 1). L’un des objectifs principaux de ce mémoire est de démontrer que tous ces attributs ont influencé le traitement de la maternité dite « illégitime » entre 1950 et 1970 au Québec. Si l’évolution est évidente, il n’en reste pas moins que tous ces qualificatifs se sont entrecroisés et qu’il est impossible de fixer sur une ligne du temps les transitions entre ces derniers.
À travers l’étude des sources laissées par les travailleuses sociales (majoritairement de Montréal) ayant travaillé auprès des mères célibataires, religieuses et laïques, nous nous proposons de regarder l’impact de cette nouvelle profession au Québec après la Deuxième Guerre mondiale (Chapitre 2). Les tensions entre le travail social et l’Église catholique, toujours omniprésente à cette époque, influencent le traitement des « filles-mères ». La volonté d’être reconnues comme professionnelles amène les travailleuses sociales à s’intéresser aux thèses freudiennes et psychologiques, principalement anglo-saxonnes, et à appliquer des méthodes scientifiques. Néanmoins, le dessein d’une société idéale aboutit, malgré la prétention d’objectivité, à une volonté de normalisation qui s’illustre bien par la préférence de l’adoption par rapport à la garde de l’enfant par la mère « naturelle ».
Le Centre et l’École Rosalie-Jetté (Chapitre 3) servent dans ce mémoire d’exemples de projets largement influencés par le travail social. Nous voulons démontrer que Rosalie-Jetté, foyer pour mères adolescentes (moins de 18 ans) fondé par les Soeurs de Miséricorde en 1955, constitue une idée progressiste, qui trouve sa source bien avant la Révolution tranquille. De plus, les institutions charitables catholiques venant en aide aux mères célibataires connaissent une modernisation majeure qui ne peut être attribuée uniquement à la laïcisation comme de nombreux historiens l’ont prétendu.
De surcroît, l’idée d’une évolution linéaire et constante est contestable dans l’étude de la maternité hors mariage au Québec. Les résistances et les tabous persistent bien après 1960, et ce, malgré une révolution sexuelle incontestable.