« Un mélange aussi redouté qu’il est à craindre » : race, genre et conflit identitaire à Kahnawake, 1810-1851
Ce mémoire retrace les différents discours sur l’acceptabilité des mariages entre Autochtones et Blancs véhiculés à Kahnawake entre 1810 et 1851, années qui précèdent l’adoption de l’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada et la pétition des chefs autochtones qui en demandent l’amendement. Des points de vue conflictuels se concrétisent au rythme de l’évolution des relations entre les Mohawks, les Blancs qui demeurent dans la communauté, et les représentants de l’État et de l’Église catholique, de même qu’à la lumière des relations qu’entretiennent entre eux les Iroquois influents au village. Qu’il soit formulé par des membres externes ou internes à la communauté, chaque discours cherche à encadrer l’intégration d’étrangers par les unions Autochtones-Blancs, ainsi que le métissage qui s’en suit, selon une conception particulière de la race et des genres. Dans un contexte de relations tendues avec les Blancs établis au village et de conflit identitaire, plusieurs personnes tentent de réorienter les traditions maritales pour servir des considérations religieuses, matérielles, politiques ou identitaires. Ce sont des intérêts partagés ou disputés qui poussent certains Mohawks et représentants de l’Église et de l’État à souhaiter que l’intégration des étrangers par les mariages Autochtones-Blancs soit balisée par des normes conformes à une tradition patrilinéaire et patrilocale. En cherchant à exclure ou inclure les enfants nés de mariages entre Autochtones et Blancs, les différents acteurs participent à un processus de construction discursive de l’identité autochtone, alors qu’ils redéfinissent les frontières identitaires entre Blancs et Autochtones. Bref, ce mémoire souligne l’importance d’étudier la dynamique interne des communautés autochtones, en l’occurrence celle de Kahnawake, pour bien comprendre l’évolution des discours sur l’acceptation des mariages Autochtones-Blancs qui orientent le choix des critères raciaux et genrés servant à définir qui peut être considéré autochtone sur le plan légal.