Peasant Accumulation in a Context of Colonization : Rivière-du-Sud, Canada, 1720-1775
Des recherches récentes tendent à démontrer que la paysannerie canadienne du XVIIIe siècle était moins homogène que l’on n’avait cru. Au-delà de l’influence du cycle familial, la distribution inégale des moyens de production parmi les ménages créait les conditions propices à l’accumulation paysanne. Les formes et les limites de ce procès font l’objet de la présente étude. Elle a pour cadre la seigneurie de la Rivière-du-Sud, située sur la rive sud du Saint-Laurent à 50 kilomètres en aval de Québec. Dès 1720, ce qu’il convient d’appeler la seconde phase de la colonisation avait débuté dans la seigneurie : la population était en grande partie enracinée, mais tout au long de la période, les enfants appelés à partir trouveraient des concessions ailleurs dans la colonie. Dans ce contexte, et la production et les marchés étaient trop aléatoires pour permettre même aux producteurs les plus importants d’oublier leur souci d’autosuffisance et de mettre en veilleuse les limites à l’échelle de l’exploitation propres à l’agriculture ancienne. En même temps, de tels producteurs n’avaient d’autre choix que d’investir dans la terre la plus belle partie de leurs amples surplus, terre qu’ils finiraient par distribuer à leurs héritiers. De là une différenciation sournoise, qui permet aux plus riches de déloger les plus vulnérables de leurs bonnes terres, et de les refouler vers les marges de la zone agricole.