Les réseaux d’influence à Montréal au XVIIe siècle : structure et exercice du pouvoir en milieu colonial

Résumé

Au cours de la période étudiée, la ville de Montréal, avant-poste seigneurial jouissant à l’origine d’une large autonomie, est graduellement intégrée au sein de l’administration coloniale royale. Les sulpiciens, curés de la paroisse Notre-Dame de Montréal depuis 1657 et seigneurs à partir de 1663, se retirent progressivement de certains champs et doivent accepter l’ingérence des officiers du roi dans d’autres domaines. Fragilisés par des conflits au sein même du Séminaire de Montréal, les sulpiciens modérés doivent à la fois se défaire de prêtres zélés et moralisateurs et accepter des compromis avec les « puissances » de la colonie pour assurer la survie à long terme de leur institution.

L’insécurité militaire des débuts de l’histoire de la ville – insécurité qui réapparaît à la fin des années 1680 – et son rôle de base avancée pour les expéditions font de Montréal un centre militaire important. Les officiers arrivés avec le régiment de Carignan-Salières en 1665 forment leur propre réseau qui s’oppose aux principaux habitants de la ville, proches du Séminaire de Saint-Sulpice. L’intégration des militaires dans la société se fera lentement, mais, à partir des années 1680, le recrutement des officiers des Troupes de la Marine à même les fils de la noblesse installée au Canada contribuera à rapprocher les élites militaires et commerciales de la ville.

L’historiographie a souvent mis l’accent sur les conflits de pouvoir entre l’évêque et le gouverneur ou entre le gouverneur et l’intendant. Ces conflits sont très présents au XVIIe siècle, mais ils sont limités à des périodes particulières et à des secteurs d’activités où les intérêts des militaires, des marchands, des officiers civils et du clergé se recoupent : le commerce des fourrures et la vente d’eau-de-vie aux Amérindiens. Hors de ces deux domaines, les autorités militaires, civiles et ecclésiastiques collaborent généralement pour assurer le bon fonctionnement de la justice et de la police.

Des tensions existent évidemment à l’intérieur du système. À titre d’exemple, tous ne partagent pas les mêmes normes de dévotion et de moralité, ce qui mène à une crise spirituelle et politique majeure au début des années 1690. D’autres tensions s’expriment à travers les querelles de préséance, lesquelles sont essentiellement les manifestations publiques de conflits sous-jacents et le moyen d’adapter l’ordre socio-politique à l’arrivée de nouveaux personnages.

Les débuts de l’histoire de la Nouvelle-France avaient permis l’émergence de diverses formes d’expression populaire à travers les assemblées des habitants et l’élection de syndics. Réprouvées par Louis XIV et par Colbert, ces formes de participation publique à la vie politique sont éliminées au cours des années 1670, à la faveur de l’administration arbitraire de Frontenac et de Perrot. Seuls quelques notables seront consultés à l’occasion par les dirigeants coloniaux. Les habitants et les marchands s’accommoderont de la situation. Tirant profit d’une politique de prix fixes pour le castor à partir des années 1670, les Montréalais participent à la croissance du commerce en dépit d’une réglementation sévère, répétée, mais inefficace grâce à la collusion de certains membres de l’administration.

L’évolution de Montréal au XVIIe siècle offre ainsi un contexte très efficace pour observer le clientélisme dans le cadre d’un pouvoir que l’on qualifiait d’absolu et dont le caractère et les limites ont déjà été observés dans le cadre métropolitain.

Année de publication
2008
Type
Thèse de doctorat
Université
Université de Montréal
Nombre de pages
358
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