Les missionnaires-colonisateurs en Abitibi (1929-1939)
C’est au XIXe siècle que des prêtres missionnaires sont chargés par leur évêque de visiter les colonies fondées aux marges de la vallée du Saint-Laurent. Ouverte au peuplement vers 1910 seulement, l’Abitibi voit son développement fortement conditionné par plusieurs stratégies de colonisation. Les plus marquantes demeurent certes la nomination d’un premier missionnaire-colonisateur officiel (1911) par le gouvernement, la mise sur pied de l’appareil colonisateur durant la crise (1929-1939) et la création du diocèse d’Amos (1939). Dans la région, la fonction de missionnaire-colonisateur s’adapte au mouvement de colonisation et est par conséquent intimement liée au développement humain.
Durant la crise économique, l’Église est à la tête des forces qui proposent le retour à la terre comme solution au chômage. L’action des missionnaires-colonisateurs « en bas » s’inscrit au cœur des revendications pour obtenir du gouvernement sa participation active dans la colonisation. Leur participation active à ces pressions démontre l’importance et leur rôle de promoteurs de la colonisation abitibienne ainsi que leur action propagandiste à travers les transformations des politiques de colonisation successives : plans Gordon (1932), Vautrin (1934) et Rogers-Auger (1937).
Sur le terrain abitibien, l’action des missionnaires-colonisateurs auprès des colons est essentielle à la réussite des nouvelles colonies ils sont guides, missionnaires, conseillers, inspecteurs et organisateurs. Ils sont chargés de faciliter, vivant les dures réalités du milieu abitibien comme les colons, leur établissement selon le modèle de la cellule paroissiale traditionnelle. Les missionnaires-colonisateurs doivent gérer de nombreux problèmes colons indésirables, octrois insuffisants, patronage. Protecteurs des droits des colons, ces prêtres possèdent l’expérience du terrain qui leur confère un statut de critique auprès du gouvernement dans l’adaptation des plans de colonisation aux réalités du milieu abitibien. Par les rapports dynamiques qu’ils entretiennent entre le centre de la province et une région périphérique, ils traduisent toute la bipolarité des rapports entre les colonies abitibiennes et le système mis sur pied qui « alimente » ces dernières. C’est autant auprès des élus, de la population du Sud de la province qu’en Abitibi que se mesure l’importance de l’action des missionnaires-colonisateurs pendant la décennie de la crise.