Les coopératives et l’électrification rurale du Québec, 1945-1964
Cette thèse est consacrée à l’histoire de l’électrification rurale du Québec, et, plus particulièrement, à l’histoire des coopératives d’électricité. Fondées par vagues successives à partir de 1945, les coopératives rurales d’électricité ont été actives dans plusieurs régions du Québec et elles ont électrifié une partie significative des zones rurales.
Afin de comprendre le contexte de la création des coopératives d’électricité, notre thèse débute (première partie) par une analyse du climat sociopolitique des années précédant la naissance du système coopératif d’électrification rurale. Nous y voyons de quelle façon l’électrification rurale devient progressivement, à partir de la fin des années 1920, une question d’actualité à laquelle les divers gouvernements qui se succèdent tentent de trouver une solution, sans engager – ou si peu – les fonds de l’État. En ce sens, la première étatisation et la mise sur pied d’Hydro-Québec, en 1944, marquent une rupture quant au mode d’action privilégié jusque-là. La nouvelle société d ’État se voit cependant retirer son mandat d’électrifier le monde rural un an après sa fondation, car le gouvernement Duplessis, de retour au pouvoir, préfère mettre en place son propre modèle d’électrification rurale.
Ce système repose sur des coopératives d’électricité, soutenues par un organisme public, l’Office de l’électrification rurale (OER). L’OER suscite de grandes attentes de la part des ruraux et c’est par centaines qu’ils se manifestent. Cet engouement pour les coopératives complique la tâche de l’OER , qui doit superviser de nouvelles sociétés tout en assurant sa propre organisation. Malgré des hésitations et quelques délais introduits par un manque de connaissances techniques et de personnel qualifié, les commissaires de l’OER se révèlent perspicaces et parviennent à mettre sur pied un système coopératif d’électrification rurale qui produit des résultats rapides. Il leur faudra cependant compter sur l’aide des autres acteurs engagés dans l ’électrification, les organismes publics et les compagnies privées d’électricité. Cette période de démarrage et d ’organisation, traitée dans la deuxième partie de la thèse, se termine en 1947-48, au moment où l’OER et les coopératives raffermissent leur maîtrise du système coopératif d’électrification rurale.
Les années 1948 à 1955 (troisième partie de thèse) correspondent à une période de croissance pour le mouvement coopératif. Cette partie scrute ainsi le développement des coopératives, les vastes chantiers de construction et l’injection de millions de dollars dans l ’électrification rurale. Cette troisième partie prend également acte des premiers signes que quelque chose ne va pas si bien dans le monde coopératif. Nous y verrons également les ruraux à l’œuvre: comme membres, d’abord, mais aussi en tant que bénévoles, puis à l’emploi des coopératives. La quatrième et dernière partie, les années 1956 à 1964, aborde les changements majeurs qui ont cours dans l’univers coopératif; il s’agit d’une ère nouvelle et difficile pour le mouvement coopératif, dont les réseaux paraissent inadaptés aux changements de profil de la consommation d’électricité des usagers. L’OER sent alors le besoin de raffermir son contrôle des coopératives, car il pressent les problèmes et les défis auxquels elles auront à faire face. Notre étude se termine par l’acquisition des coopératives par Hydro-Québec, en 1963-64.
Fondée sur des sources riches et variées, notre démarche propose un éclairage inédit sur une dimension importante de l’histoire de l’électricité au Québec. Elle permet, ce faisant, de saisir les rouages et l’action de l’État sous un angle particulier, avant sa profonde transformation amorcée au cours des années 1960. De même, elle apporte quelques clés nouvelles pour une meilleure compréhension de la dynamique des milieux ruraux de cette période.