« The church is not a vast democracy » : le rôle des églises locales dans la formation de l’Église Unie du Canada (1902-1925) : le cas de Sherbrooke
En nous inspirant à la fois de la théorie des organisations et de la sociologie historique des religions, nous nous intéressons dans ce mémoire aux rapports de force à l’œuvre au sein des Églises congrégationaliste, méthodiste et presbytérienne canadiennes au cours de la formation de l’Église Unie du Canada entre 1902 et 1925. À partir d’une étude de cas des trois congrégations de la ville de Sherbrooke au Québec, nous nous proposons d’identifier le rôle des églises locales dans l’élaboration et l’adoption de cette union interconfessionnelle. Par cette démarche, nous cherchons plus spécifiquement à documenter de quelle manière le degré de centralisation de chacune des confessions a influencé l’expérience de l’union telle que vécue par la Plymouth Congregational Church, la St. Andrew’s Presbyterian Church et la Trinity Methodist Church de Sherbrooke. L’accent est donc ici mis sur l’analyse du processus en lui-même plutôt que sur ses causes ou son résultat.
L’étude des étapes ayant mené à la concrétisation de l’union révèle que les fidèles sherbrookois ont joué un rôle de second ordre dans ce projet. Celui-ci apparaît avant tout être le fruit du travail des autorités supra-locales des trois Églises fondatrices. Entre 1902 et 1915, période marquée par la création et la validation de la constitution de la future église, les élites confessionnelles mènent des négociations en vase clos. Elles ne consultent les fidèles par voie référendaire qu’une fois le projet bien avancé, les plaçant ainsi devant le fait accompli. Leur manière de procéder est cependant entièrement conforme à la politique interne des trois confessions. Chez les méthodistes et les presbytériens, les congrégations n’ont pas autorité sur ces questions: les premiers, plus centralisés, s’en remettent au conseil supérieur de leur Église et les seconds aux conseils régionaux que sont les Presbyteries. Du côté des congrégationalistes, les églises locales sont souveraines, ce pourquoi elles sont appelées à déterminer individuellement si elles souhaitent intégrer ou non l’Église Unie. Les presbytériens en viendront finalement à faire de même puisque plusieurs de leurs élites s’opposent à l’union et réclament que cette décision soit prise de manière plus démocratique. La controverse opposant unionistes et anti-unionistes se transporte ainsi à Sherbrooke à partir de mai 1923 et se clôt par le vote de l’église St. Andrew’s en février 1925. Le caractère local que prend alors le processus d’union permet aux fidèles de faire preuve d’une agentivité sans précédent, mais qui s’exerce uniquement à l’échelle sherbrookoise.