Le mouvement d’opposition au monopole de l’électricité à Québec dans l’entre-deux-guerres

Résumé

À partir de la fin du XIXe siècle, débute au Québec une période de croissance s’appuyant sur l’exploitation massive des ressources naturelles réalisée par des entreprises de haute technologie. Les premières décennies du siècle sont caractérisées par un important mouvement de concentration économique qui culmine par la grande effervescence financière des années 1920, puis par la Crise de 1930. Cette époque est le moment pour les élites canadiennes-françaises de prendre conscience de leur marginalisation croissante face au grand capital anglo-saxon en même temps que la réappropriation des leviers économiques leur apparaît de plus en plus comme une priorité. La création de monopoles de services d’utilités publiques est particulièrement critiquée. Dans certaines villes, de véritables mouvements de contestation antimonopoles prônent la prise en charge des services publics par les municipalités. Et c’est la ville de Québec qui, à compter de la fin des années 1920, constitue le principal foyer québécois de cette opposition au grand capital.

Ce mémoire situe d’abord le contexte de formation du mouvement antimonopole de Québec durant l’entre-deux-guerres. Pour ce faire, nous examinons les étapes qui menèrent à l’établissement du monopole de Quebec Power dans cette ville. Nous prêtons ensuite attention aux bases sociales du mouvement et aux alliances auxquelles il a donné lieu. Pour cela, nous nous appuyons sur la correspondance et divers rapports préparés par les organismes concernés. Les interventions des antitrustards au Conseil de ville et devant la Législature provinciale sont aussi prises en compte pour cerner leurs stratégies et leurs objectifs.

Cette recherche nous a permis d’éclairer les dynamiques du mouvement contestataire de Québec et les stratégies de la compagnie pour conserver ses privilèges d’exploitation. Avant la radicalisation du mouvement, vers 1930, ce sont d’abord les usagers commerciaux et industriels qui se montrent préoccupés par le prix de l’énergie. Les tarifs domestiques de l’électricité ne sont guère considérés. Cette situation fait de la Chambre de commerce de Québec le premier opposant aux pratiques tarifaires de Quebec Power. Des études comparatives sont commandées; elles font du système ontarien le modèle à imiter. La politique non interventionniste du premier ministre Taschereau en matière d’électricité, qui octroie une grande marge de manœuvre aux entreprises d’électricité, est aussi fortement critiquée. Nos propres calculs permettent de confirmer que le prix de l’électricité à Québec est l’un des plus élevés au Canada. Vers 1930, le mouvement élargit ses bases grâce notamment à l’entrée en scène du docteur Philippe Hamel qui entraîne avec lui le groupe des consommateurs domestiques; la question de l’électricité n’est plus seulement l’apanage des hommes d’affaires. Le mouvement contestataire , d’abord à caractère uniclassiste, devient un mouvement plus général. En contrepartie, cependant, il se trouve fragilisé par d’importantes divergences d’opinion quant aux remèdes à employer pour parvenir à réduire les tarifs de l’électricité à Québec. Les milieux d’affaires optent pour l’adoption de mesures incitatives visant à hausser la consommation domestique, alors que l’opinion populaire se montre favorable à la municipalisation du service de l’électricité.

En 1935, après maints rebondissements , Quebec Power parvient à obtenir le renouvellement de son contrat avec la ville. Les antitrustards accueillent la nouvelle avec déception. Mais la question de l’électricité à Québec n’est pas encore résolue et se pose dorénavant à un niveau supra-local. C’est le gouvernement provincial qui en est saisi et qui se voit forcé d’imposer de nouvelles règles du jeu : l’instauration d’une réglementation beaucoup plus ferme à compter de 1935, puis la nationalisation partielle de 1944 qui donne naissance à Hydro-Québec. Entre-temps, Quebec Power a révisé à nouveau ses tarifs, les rendant cette fois conformes aux demandes historiques de la ville et de ses abonnés.

Auteur
Année de publication
1999
Type
Mémoire de maîtrise
Université
Université du Québec à Trois-Rivières
Nombre de pages
113
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