Le cardinal Paul Grégoire et l’Église de Montréal (1968-1990)
L’historiographie récente du catholicisme québécois a passé pratiquement sous silence la vie et l’épiscopat de Mgr Paul Grégoire, archevêque de Montréal de 1968 à 1990. Pourtant, son épiscopat s’est déployé pendant une période cruciale de l’histoire du Québec et de l’Église catholique. Lorsque Mgr Grégoire devient archevêque de Montréal en avril 1968, le Québec vit encore sa Révolution tranquille, une période qui a vu l’éclosion au Québec de mentalités et mœurs nouvelles à l’enseigne du rejet du passé, sous l’impulsion d’une sécularisation et d’une déchristianisation déferlantes. De son côté, l’Église catholique vit son propre renouveau identitaire, fruit des travaux du Concile Vatican II, terminé depuis décembre 1965. C’est au confluent de ces deux renouveaux identitaires que l’épiscopat de Mgr Grégoire va prendre forme. L’archevêque de Montréal devra faire face à de nombreux défis inédits sur les fronts externes et internes. Ad extra, il devra prendre acte des défis d’une nouvelle donne sociale extrêmement défavorable à son Église, notamment sur le flanc de la confessionnalité du système d’éducation. Ad intra, il devra implanter les réformes conciliaires dans son diocèse, non sans avoir à affronter plusieurs résistances et incompréhensions, dont certaines deviendront des crises remettant en question la qualité de son leadership comme archevêque de Montréal. Au moment de sa retraite en mars 1990, Monsieur le cardinal Grégoire aura vu l’Église catholique perdre la majeure partie de son influence morale et spirituelle sur la société montréalaise et québécoise. Même si sa personnalité ne l’avait pas desservi dans ses efforts pour imprimer à l’Église de Montréal son orientation doctrinale, sa discipline et son style, on voit mal comment il aurait pu contrer significativement une évolution toute-puissante dans sa globalité. C’est ce que révèle le bilan de son épiscopat.