La subsistance des Naskapis et les intérêts de la compagnie : une perspective territoriale sur le commerce des fourrures (1830-1870)
Le présent mémoire est consacré à l’étude des relations économiques qu’ont entretenues les Naskapis de l’Ungava-Labrador et la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) durant la période allant de 1830 et 1870. Il cherche plus précisément à identifier les stratégies utilisées par la compagnie pour développer son commerce dans la région et à dégager leurs effets sur les pratiques économiques des Naskapis. S’inscrivant dans le cadre des travaux qui, depuis les années 1970, cherchent à cerner les impacts du commerce des fourrures sur les populations autochtones, notre étude éclaire aussi certaines facettes de l’histoire des Naskapis (formation et transformation des bandes régionales, modalités d’occupation du territoire, comportements économiques des chasseurs, etc.)
Nous avons adopté une perspective territoriale sur le commerce des fourrures. Cette approche s’inspire de travaux qui ont mis en évidence les rapports étroits entre le territoire et les manifestations économiques. Deux postulats sont à la base de notre étude : 1) que la géographie et la distribution des ressources déterminent en grande partie les variations régionales des manifestations du commerce des fourrures; 2) que les rapports des populations avec le territoire constituent des paramètres essentiels à la compréhension de ces manifestations. Les sources sont constituées pour l’essentiel des Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson (HBCA). Nous avons privilégié une approche diversifiée de la documentation afin de maximiser les perspectives d’interprétation. En plus des informations qualitatives, tirées principalement de la correspondance et des rapports des commis de la compagnie, nous avons traité des données «brutes» et quantitatives contenues dans les journaux de poste et les livres de compte.
Nos conclusions soutiennent que les relations entre la CBH et les Naskapis ne correspondent pas au modèle d’interdépendance économique, plus ou moins égalitaire mais somme toute positif, décrit dans plusieurs études régionales récentes. L’économie des Naskapis s’est plutôt développée dans un contexte de contraintes économiques et territoriales imposées par la compagnie pour atteindre ses objectifs de rentabilité. Nous faisons ressortir que les restrictions imposées sur la mobilité des Naskapis n’ont pas favorisé le développement de leur propre modèle économique adapté aux conditions biophysiques régionales.