La démonstration de l’influence de l’épiscopat québécois en matière d’éducation de 1950 à 1970
« Est-il possible de démontrer l’influence de l’épiscopat québécois en matière d'éducation de 1950 à 1970? »
En 1874, le premier ministre Boucher de Boucherville consulte l’archevêque de Québec, Mgr Joseph-Elzéar Taschereau et le prie de lui transmettre les vues de l’épiscopat sur tout projet de réforme jugé utile au plan de l’éducation.
Cette prière du pouvoir civil se soldera par la loi de 1875, sans aucun doute l’une des législations les plus importantes, quant à l’orientation et l’évolution de notre système scolaire.
i) La loi scolaire de 1875 établit des structures scolaires pratiquement inamovibles jusqu’en 1964;
ii) Cette législation conférait à l’Église catholique une influence et une responsabilité considérables, en faisant de chaque évêque un membre de droit du Comité catholique pourvu que son diocèse fut situé en tout ou en partie dans la province.
Cette législation constitue certes une singulière démonstration de puissance et d’influence de la part de l’Église. Les évêques ne ménagèrent pas leur satisfaction sur la façon de légiférer du gouvernement de Boucher de Boucherville. Si bien qu’après la loi de 1875, la plupart des chefs d’expression française et catholique s’inclinèrent prudemment devant la puissance de l’épiscopat.
En 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage prend le pouvoir avec comme élément de son programme, la reprise du contrôle de l’éducation par l’État. Après avoir formé une commission royale d’enquête et reçu la première tranche du rapport, l’une des recommandations prônant la création d’un ministère de l’éducation, l’État s’apprête à déclencher le processus législatif par la présentation d’un projet de loi.
Le premier ministre hésite, il temporise. Il décide de vérifier le niveau d’assentiment des évêques.
Au début de juin 1963, il fait parvenir de façon confidentielle à Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec et primat de l’Église canadienne, une copie de travail de l’avant projet de loi, en « sollicitant » ses réactions.
Il s’agissait de la troisième prise de position depuis 1960 de l’épiscopat en matière d’éducation. Même si celle-ci est différente des deux premières parce qu’elle ne reflète pas la rigueur de style et la précision, l’Archevêque de Québec réitère avec force la primauté du droit de l’Église en matière d’éducation ainsi que le droit naturel des parents à ce chapitre. Le texte sous-tend même qu’à défaut d’entente, les évêques de la province civile de Québec sont disposés à lutter au nom de la protection de ces droits.
Le premier ministre décide de retirer le projet de loi.
Analysons ici une coïncidence pour le moins surprenante à presque cent ans d’intervalle :
i) Les deux détiennent le plus haut poste de la province;
ii) Tous les deux procèdent avec beaucoup de respect et de condescendance envers l’Épiscopat : le premier prie, le second sollicite;
iii) L’un comme l’autre s’adresse à l’Archevêque du diocèse de Québec.
Une distinction s’impose cependant : dans le premier cas, la demande est parfaitement dénuée de toute contingence, dans le second les recommandations de la Commission Parent s’imposent aux deux ordres de pouvoir.
À compter de la reprise du processus législatif, le premier septembre, le débat prend une tournure plus sereine et mieux adaptée à la négociation qui s’enclenche. De fait, tant le pouvoir civil qu’ecclésiastique recherchent l’équilibre. Ils ont intérêt à éviter l’affrontement. Le jeu de la négociation se déroulera de façon serrée mais avec un objectif commun, celui d’éviter un affrontement qui se serait soldé par l’éclatement d’une réforme si profitable pour la société québécoise.