L’expérience migratoire de néoruraux québécois résidant dans la MRC de Maskinongé (Mauricie)
Les derniers siècles ont vu une augmentation de la mobilité tous azimuts. De l’imprimerie, qui a permis aux connaissances de voyager, au progrès continuel dans le monde du transport, la société est devenue de plus en plus mobile. Plus récemment, l’essor rapide des technologies de la communication est venu décupler ces avancées, changeant les contours de l’espace et des frontières, du moins, pour les sociétés plus développées au niveau économique. Au centre de toutes ces innovations, l’humain, lui aussi, est devenu plus mobile.
Depuis toujours, l’espèce humaine connaît des épisodes de mouvements migratoires. Les déplacements humains se font souvent vers les grands centres urbains, où foisonnent les ressources de toutes sortes nécessaires à la vie adulte : emploi, hôpitaux, écoles, produits culturels, etc. Or, certains individus décident de faire le chemin inverse, et quittent la ville pour se diriger vers la campagne. Aux néoruraux retraités se sont ajoutés, au fil des décennies, d’autres profils d’individus, plus jeunes, seuls ou en famille, entrepreneurs, employés, artistes.
Nous nous sommes intéressée aux adultes âgés de 25 à 44 ans qui ont fait ce choix récemment, soit entre 2004 et 2012. Nous avons cherché à comprendre quel sens prenait ce projet migratoire, en pleine vie active. Que quittaient-ils de la ville? Qu’allaient-ils chercher en milieu rural?
Nous avons mené des entretiens semi-dirigés auprès de quatorze individus ayant quitté un milieu urbain pour un village de la MRC de Maskinongé, en Mauricie. Les données recueillies nous ont permis de comprendre que pour plusieurs des personnes interrogées, le projet est d’abord de laisser quelque chose derrière : quitter quelque chose, quitter un lieu, quitter la ville. Pour d’autres, c’est plutôt l’appel de la campagne, de la nature qui a motivé le déplacement. Les migrants de retour dans leur région d’origine constituent à plusieurs égards un cas particulier, leur migration étant plutôt motivée par un retour à un passé confortable. Enfin, certains ont effectué cette migration ville-campagne pour des raisons ponctuelles basées sur un besoin pressant d’aventure et de changement. Le sens de la migration apparaît alors comme une opportunité de se redéfinir dans un nouveau paysage humain et physique, et la campagne apparaît brusquement comme l’espace de solution.
Une fois la migration effectuée, les représentations ayant conduit à la migration se trouvent confrontées à la réalité d’un nouvel habitat, d’un nouveau territoire, à la fois physique et humain. Tout cela se construit avec la nouveauté qui entoure le migrant, mais également avec ce qu’il a laissé derrière et ce qu’ il a amené avec lui. Selon le projet, l’héritage urbain apparaît franchement ou en filigrane dans ce nouveau quotidien rural.
Au-delà des éléments propres aux trajectoires individuelles des quatorze individus rencontrés, la migration ville-campagne se présente ainsi sous un visage inédit : celui d’un désir de mouvement, de dépaysement... Un besoin de se réinventer, de planter ses racines dans un nouveau sol, à l’abri d’un certain passé, quand ce n’est pas dans le confort de ce dernier.