En garde! : les représentations de la tuberculose au Québec dans la première moitié du XXe siècle. Maladie, culture et identité
Toute action ou réaction face à une maladie est guidée par l’idée que nous nous en faisons, par notre façon de l’interpréter, de la penser. Cette thèse a pour objectif de montrer les liens entre, d’une part, les représentations sociales et médicales d’une maladie et, d’autre part, la nature des traitements proposés et les représentations de l’expérience du malade dans un contexte institutionnel de prise en charge.
Pour montrer les relations complexes entre les représentations de fa maladie et les comportements ou réactions qu’elle suscite, cette recherche aborde dans un premier temps la question des représentations « populaires » de la tuberculose et la met en rapport avec les stratégies adoptées par les artisans de la lutte antituberculeuse dans la première moitié du siècle. Elle s’attarde ensuite aux représentations étiologiques du mal et à leur influence sur les traitements antituberculeux. Elle examine enfin les représentations de l’expérience individuelle et collective de la tuberculose, dans un contexte sanatorial.
À travers l’exploitation de sources diverses - archives gouvernementales, manuels de médecine, ouvrages de vulgarisation scientifique, romans, journaux et récits de sanatoriums-, elle démontre notamment que l’on peut établir un lien entre les représentations de la tuberculose et la formation d’un discours identitaire encouragé par l’État. Avant 1930, le discours hygiéniste, qui représente la tuberculose comme un « fléau », accentue le caractère négatif de la maladie et sa signification en tant qu’élément de rupture et de désordre social. À partir des années trente apparaît cependant une volonté de réinterpréter la maladie sous un jour plus favorable. Devant le nombre de plus en plus grand de survivants de la tuberculose, l’État commence à promouvoir l’idée de la tuberculose, maladie-libératrice, dans le but de donner un sens à l’expérience des malades et de les aider à se reconstruire une identité positive. Les récits sanatoriaux, écrits par d’ex-tuberculeux, rendent compte de cette nouvelle vision; ils présentent le sanatorium comme un lieu de passage entre l’ancien et le nouveau moi, bonifié par l’expérience de la maladie.