De l’exil à la communauté : une histoire de l’immigration haïtienne à Montréal 1960-1990
La communauté haïtienne de Montréal s’est constituée historiquement au cours de trois décennies, de 1960 à 1990. Ce mémoire tente de retracer cette constitution. Il décrit, dans un premier temps, l’installation des premiers immigrants, ceux qu’on a appelé la « première vague », formés d’intellectuels et de professionnels. Ce sont des immigrants peu nombreux qui se considèrent comme exilés politiques. Dans un deuxième temps, nous nous sommes penchés sur la situation des immigrants de la « deuxième vague », celle des ouvriers, des travailleurs « non-qualifiés » qui sont venus en grand nombre à Montréal au début des années 1970 pour travailler principalement dans l’industrie du textile. Les conditions de vie de ces deux vagues d’immigrants diffèrent sur certains points essentiels : la « première vague » est issue de la classe moyenne aisée et la période au cours de laquelle elle s’établit au Québec est marquée par la Révolution tranquille; la « deuxième vague », quant à elle, vient, majoritairement, de la classe ouvrière constituée principalement de semi-prolétaires, de personnes travaillant dans le secteur de l’économie informelle et de la paysannerie. Cette « deuxième vague » intègre le marché de l’emploi dans un contexte qui allait devenir de plus en plus difficile au cours des années 1970 : la récession et le déclin de l’industrie du textile et autres secteurs « mous » de l’économie causèrent un chômage important parmi ces nouveaux immigrants. Au cours de la décennie, la situation socio-économique difficile de cette « deuxième vague » nécessita la mise en place d’organismes ayant pour objectif de défendre les intérêts d’une communauté haïtienne en gestation. Non seulement l’intégration du marché de l’emploi devenait difficile pour ces immigrants, mais ils faisaient face également au racisme et à la discrimination. C’est dans ce contexte particulier que naissent les deux premiers centres communautaires haïtiens, la Maison d’Haïti et le Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal (BCCHM). Ces centres sont fondés et dirigés par des intellectuels de la « première vague ». Cet aspect, nous l’abordons au premier chapitre du mémoire. Durant les années 1970 et 1980, ces deux centres communautaires joueront un rôle central dans l’évolution de la communauté haïtienne de Montréal : outre les services qui touchent à la recherche d’emplois, à la préparation au marché du travail, ils s’engagent également dans les luttes contre la discrimination, le racisme et l’exclusion, forgeant ainsi une conscience communautaire, participant aux luttes politiques et à l’élaboration de procédures juridiques qui ont amené à des changements notables au sein de la société québécoise.