Aux fondements de l’État canadien : la liberté au Canada de 1776 à 1841

Résumé

Bien que l’État et l’ordre social dans les deux Canadas trouvent leur légitimité dans une certaine conception de la liberté dès l’époque de la Révolution atlantique (1776-1815), le concept de liberté n’a encore jamais servi à structurer l’histoire du développement de l’État au Canada. Notre thèse met en lumière l’importance de ce concept dans le processus de formation de l’État au Canada entre la Révolution américaine (1776) et l’Acte d’Union (1841). Elle propose une relecture de l’histoire intellectuelle et politique canadienne de cette période en fonction de la question de la liberté, considérée dans le contexte de l’Empire britannique et du monde atlantique (Grande-Bretagne, États-Unis, France). À partir d’un cadre théorique inspiré à la fois des travaux des historiens intellectuels du monde atlantique tels J. G.A. Pocock, Bernard Bailyn, Gordon S. Wood et Quentin Skinner, des considérations philosophiques de Isaiah Berlin sur la liberté et d’une lecture des grandes œuvres philosophiques britanniques, françaises et américaines du xvmo siècle, notre thèse démontre qu’à partir de 1791, le Haut et le Bas-Canada se développent suivant un idéal de liberté qui, tout en étant différent de la liberté à l’œuvre au sein des mouvements révolutionnaires, n’en était pas moins directement issu des lumières. Moins soucieux d’égalité et de fraternité que d’autonomie individuelle, cet idéal s’articule autour du triptyque «liberté, propriété, sécurité». Politiquement, ce concept de liberté reconnaît l’existence de divers intérêts au sein de la société et leur droit d’exister. Économiquement, l’importance donnée à la protection de la propriété privée se double d’une éthique de l’accumulation de la richesse.

Cette conception de la liberté (qui nous appelons liberté moderne) est à la base de l’Acte constitutionnel de 1791 et fait généralement consensus au sein des sociétés haut et bas-canadiennes jusqu’en 1828. À ce moment, certains réformistes, déçus par la lenteur du gouvernement britannique à accorder des réformes, en viennent à adopter un discours républicain basé sur le triptyque «liberté, égalité, communauté» et l’idée de la souveraineté du peuple. Les luttes politiques de la décennie 1830 dans les deux Canadas s’expliquent donc en partie par une opposition entre deux conceptions très différentes de la liberté. Cette opposition prend fin lors des rébellions de 1837 alors que les armes font triompher la vision moderne de la liberté aux dépens de la conception républicaine défendue par les patriotes et les radicaux des deux Canadas. C’est dans ce contexte que le rapport de lord Durham est publié. Par sa proposition visant à rendre le pouvoir exécutif responsable de ses décisions devant l’Assemblée législative, lord Durham redonne aux réfonnistes demeurés dans le cadre de la liberté moderne le contrôle du mouvement réformiste colonial et l’oriente vers la question du gouvernement responsable. Par conséquent, après 1839, les débats dans les colonies portent sur la pratique du pouvoir et non plus sur sa légitimité.

Auteur
Michel Ducharme
Année de publication
2005
Type
Thèse de doctorat
Université
Université McGill
Exporter la référence