La vie littéraire au Québec. IV, 1870-1894 : « Je me souviens »
Après l’avènement de la Confédération, la province de Québec se donne en programme la devise « Je me souviens ». En ces années qui vont de 1870 à 1894, une culture qui se dit encore « canadienne » veut s’employer à commémorer les aïeux. De l’École patriotique de Québec aux premières manifestations qui annoncent l’École littéraire de Montréal, la vie littéraire au Québec défend une nationalité menacée. La pendaison de Louis Riel et les attaques contre les droits scolaires linguistiques des minorités francophones au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest soulèvent passions et colères.
Dans ce contexte, l’abbé Henri-Raymond Casgrain devient éditeur de livres de prix scolaires, Louis Fréchette va chercher à l’Académie française la reconnaissance qui en fait ici le « poète national », Arthur Buies se laisse tenter par la propagande colonisatrice du curé Labelle, Pamphile Le May prépare le terrain pour la littérature régionaliste et Laure Conan réoriente sa carrière vers le roman historique. Tout pour l’histoire, la langue et la religion devient le mot d’ordre, mais les chroniques de Buies, les poèmes d’Eudore Évanturel ou d’Alfred Garneau, le journal d’Henriette Dessaulles poursuivent une autre voie, celle de l’« intime ». La littérature canadienne est écartelée entre ces deux principes : le devoir collectif, l’expression subjective.