L’homme aux quatre mains : Oscar Peterson
Ce mois-ci, un jazzman de chez nous aurait eu 100 ans. Brillant pianiste, Oscar Peterson a inspiré des milliers de jeunes talents à suivre sa voie dans le monde du jazz. À l'occasion de cet anniversaire, nous vous offrons ici une rétrospective de la vie de celui que l’on a surnommé « l’homme aux quatre mains ».
Un petit surdoué
Oscar Peterson voit le jour dans la Petite-Bourgogne, à Montréal, le 15 août 1925. Son père, un marin et musicien autodidacte, remarque très tôt que son fils est doué pour la musique. Doté d’une oreille absolue et d’une mémoire auditive hors du commun, dès l’âge de quatre ans, Oscar est mis devant un clavier. Il passe ainsi parfois jusqu’à six heures par jour à pratiquer.
Malgré leur grande pauvreté, ses parents lui paient des cours de piano. Paul de Marky, un Hongrois de formation classique, enseignera les bases à Oscar. Homme de rigueur et de patience, il lui apprend à placer correctement ses mains au-dessus des notes, afin d’être aussi rapide que possible. Inspiré par son célèbre compatriote Franz Liszt, de Marky lui montre aussi à être habile tant de la main droite que de la main gauche, notamment pour en mettre plein la vue (et les oreilles) à son public.
Aux origines du « style Peterson »
À l’adolescence, Oscar attire l’attention de musiciens professionnels. En 1940, il remporte le premier prix à un concours radiophonique de Radio-Canada. Craignant que ce succès ne lui monte à la tête, son père lui fait écouter un disque du jazzman Art Tatum...
Oscar n’en croit pas ses oreilles. Il jurerait entendre deux pianistes. En fait, chacune des mains de Tatum a un tel degré d’autonomie qu’il arrive à tenir la mélodie de l’une tout en marquant le rythme de l’autre, au point de se passer complètement d’une batterie ou d’une contrebasse. Le comble : il est pratiquement aveugle ! Cette révélation est un choc pour le garçon, à tel point qu’il sera incapable de toucher à son piano pendant deux mois.
D’autres artistes l’influenceront également, notamment Nat King Cole et son « jeu percussif à deux doigts », Errol Garner (avec ses accords à cinq notes) et George Shearing (avec ses mélodies improvisées à deux mains, sur deux octaves différentes).
Jazz at the Philharmonic
Durant les années 1940, Oscar quitte l’école pour se consacrer à son art. Il se produit dans différents cabarets montréalais et se forge une réputation de pianiste virtuose, tant au niveau technique que dans sa capacité à improviser. Un jour de 1949, en jouant pour la radio, il attire l'attention de l’imprésario Norman Granz. Celui-ci organise la série de concerts Jazz at the Philharmonic. Granz invite Oscar à assister à l’un de ces concerts au Carnegie Hall de New York. Il accepte avec enthousiasme.
Sur place, Oscar est invité par l'animateur à se produire devant le public. C’est ainsi qu’il se retrouve projeté sur l’une des plus prestigieuses scènes du monde. Sa carrière internationale est lancée.
L’Oscar Peterson Trio
Au début des années 1950, Oscar Peterson forme un trio avec le bassiste Ray Brown et le guitariste Barney Kessel. Ce dernier est rapidement remplacé par Herb Ellis. Avec eux, il enregistrera devant public le disque On the Town with the Oscar Peterson Trio en 1958. Cet album offre un excellent exemple de la virtuosité de Peterson, de sa maîtrise des techniques de jeu et de sa formidable capacité d’improvisation.
Au fil des ans, Oscar collaborera avec d'autres musiciens, dont Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Count Basie, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald et Billie Holiday. Il produira en carrière plus de 200 disques et remportera 7 prix Grammy.
Victime d’un AVC en 1993, Oscar Peterson ralentit graduellement, sans toutefois perdre sa formidable présence sur scène. Jusqu’à sa mort en 2007 à l’âge de 82 ans, il restera fidèle à cette énergie et cette générosité légendaires qui lui ont permis de faire sa marque dans le milieu du jazz.