Une loi fondamentale : la Charte québécoise des droits et libertés de la personne

12 juillet 2025

Il y a 50 ans, le gouvernement adoptait la Charte des droits et libertés de la personne. Après plus de 15 ans de débats, le Québec inscrivait enfin dans un texte de loi des droits fondamentaux pour tous les citoyens. Le but : protéger les personnes contre la discrimination, et offrir aux victimes d’injustice des outils pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux. En voici l’historique.

L’Hôtel du Parlement à Québec. Photo : Christophe Finot sous licence CC BY-SA 2.5.
L’Hôtel du Parlement à Québec. Photo : Christophe Finot sous licence CC BY-SA 2.5.

Question de droits civiques

En 1960, le gouvernement fédéral adopte sa propre charte des droits de la personne. Inspirée du modèle de la charte des droits civiques de l’État de New York, cette charte vise entre autres à interdire la discrimination basée sur l’origine ethnique et la religion, ainsi qu’à garantir un certain nombre de droits (à la vie, à la sécurité, à la liberté d’expression). Petit à petit, d’autres provinces emboîtent le pas, adoptant leur propre version de cette charte.

Cette Charte avait une portée limitée. Elle interdisait les gestes discriminatoires sur une base individuelle et explicite. Cependant, il existe d’autres formes de discrimination plus implicite. Ainsi, une femme enceinte peut se voir congédier par son patron, sous un autre prétexte que sa grossesse. Une personne homosexuelle peut se faire refuser un logement, pour un motif autre que son orientation sexuelle. Que les motifs aient été réels ou non, les victimes n’avaient aucun recours pour se défendre.

Une loi quasi constitutionnelle

Au Québec, les débats sur l’adoption d’une Charte des droits et libertés se sont poursuivis jusque dans les années 1970. La Ligue des droits de l’homme militait depuis des années pour voir une telle Charte adoptée au Québec. En mai 1973, la Ligue publie sa propre vision de la Charte, qui servira de base de travail aux élus. À l’automne 1974, le gouvernement de Robert Bourassa en présente une première version à l’Assemblée nationale.

Les députés sont d’accord avec le principe d’une telle Charte. Cependant, ils ne s’entendent pas sur un point en particulier : cette Charte aura-t-elle le pouvoir d’amender seulement les lois existantes ou aussi celles qui sont à venir? Vaste débat. Finalement, on optera pour la seconde option. De plus, la Charte aura la primauté sur toutes les lois québécoises du fait de son statut de loi quasi constitutionnelle. On créera également une Commission des droits de la personne qui veillera à son respect.

La Charte est adoptée à l’unanimité le 27 juin 1975 et entre en vigueur l’année suivante en 1976.

Une Charte toujours en évolution

La Charte québécoise a une portée beaucoup plus large que les autres Chartes adoptées au Canada à cette époque. Au lieu de se restreindre au droit à l’égalité et à la lutte contre la discrimination individuelle, elle traite des droits humains en général.

Cependant, elle comporte certaines lacunes. C'est pourquoi la Charte continuera à évoluer au fil du temps. En 1977, le gouvernement de René Lévesque l’amende afin d’y ajouter la protection contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. En 1982, on l’amende à nouveau afin d’interdire la discrimination basée sur le handicap, la grossesse et l’âge, ainsi que le harcèlement discriminatoire. Enfin, depuis 2016, cette protection s’étend aussi à l’identité et à l’expression de genre.

Dans la plupart des pays, ce genre de Charte est inscrite dans le texte de la Constitution. Toutefois, au Canada, il n’y a pas eu d’entente entre les provinces et le gouvernement fédéral sur une nouvelle constitution. En 1982, le gouvernement fédéral rapatrie la Constitution canadienne et y inclut une Charte des droits et libertés, qui transformera les relations entre les citoyens et leur gouvernement. Elle amènera également une judiciarisation sans précédent des rapports sociaux.

De nos jours, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a tendance à être éclipsée par la Charte canadienne. Sans doute, si le Québec décide un jour d’adopter sa propre Constitution, la Charte québécoise des droits et libertés jouera-t-elle un rôle crucial dans notre société.