Professionnels et culture classique
Causerie prononcée au Séminaire de Sainte-Thérèse à la réunion annuelle des Anciens le 2 mai 1948.
Note : dans Pour bâtir, p. 27-48.
Extrait
Les humanités classiques! Depuis la Renaissance, soit depuis quatre siècles, elles ont formé l'élite intellectuelle des nations civilisées. L'Europe moderne leur doit une grande part du prestige qui a fait, de ce petit cap occidental de l'Asie, le plus haut lieu de l'esprit dans l'histoire du monde. Depuis quatre siècles, philosophes, poètes, prosateurs, artistes, parmi les plus grands, sont allés demander à ces disciplines la vigueur et la souplesse de leur intelligence et jusqu'à cette forme d'élégance qui ajoute au prestige du génie.
Nos ancêtres de France, fils d'un pays à l'apogée de la puissance intellectuelle, apportèrent jadis le trésor avec eux, comme une sorte de feu sacré. Plus tard, après la catastrophe de 1760, il fallut nous refaire une élite, former des chefs, trouver les moyens de sauver notre âme; nos chefs spirituels eux-mêmes refusèrent d'emprunter au vainqueur ses traditions pédagogiques ou scolaires; ils firent confiance aux disciplines traditionnelles; nous sommes restés en latinité.
Les vieilles disciplines furent pour nous, même en pays britannique, source de vie, instrument de liberté.
[...]
Ce qui était vrai hier a-t-il cessé de l'être aujourd'hui?
[...]
Les humanités classiques nous auraient-elles bercés d'espérances trompeuses? Nous auraient-elles caché nos besoins profonds, notre temps, les lois de la vie moderne? Seraient-elles responsables de nos piétinements, de nos reculs, sinon de nos faillites, dans le champ intellectuel, dans la concurrence économique et politique, en un mot dans la rivalité des races?