Figures marquantes de la solidarité : Charlotte Tassé (1893-1974)

7 mars 2023

Charlotte Tassé a été, entre la fin des années 1920 et le début des années 1960, le modèle et le porte-voix des gardes-malades canadiennes-françaises. Originaire du petit village d’Henryville, elle se forme d’abord comme infirmière à Montréal, avant de partir se spécialiser à New York. En 1919, elle est embauchée au sanatorium du Dr Albert Prévost, dont elle est la toute première infirmière. En 1945, elle rachète même la petite clinique pour malades nerveux afin d’en faire l’un des centres psychiatriques les plus avant-gardistes du Québec. Elle sera également pendant plus de 30 ans la directrice d’une école d'infirmières, mais aussi celle du principal bulletin de la profession du Canada français : La Garde-malade canadienne-française. On lui doit enfin l’instauration de l’une des premières formations diplômantes en soins infirmiers psychiatriques au Québec, mais aussi et surtout la création de la profession de garde-malade auxiliaire.

Invité : Alexandre Klein, historien et professeur auxiliaire à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa.
Animateur : Éric Bédard, historien
Lieu : Auditorium de la Grande Bibliothèque

À propos d’Alexandre Klein

Philosophe et historien des sciences, spécialisé dans l’histoire de la santé à l’époque contemporaine, Alexandre Klein est professeur auxiliaire à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa et coordonnateur de l’Unité de recherche sur l’histoire des soins infirmiers. Il est également membre associé au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie et responsable du réseau Historien et Historiennes de la santé, qu’il a créé en 2012. Ses recherches actuelles portent sur l’histoire de la psychiatrie québécoise de la seconde moitié du XXe siècle, et notamment sur le rôle qu’y ont joué les infirmières. Après avoir réalisé un webdocumentaire sur l’histoire des infirmières psychiatriques au Québec, intitulé Les infirmières de la folie (2022), il prépare actuellement une biographie de Charlotte Tassé.

Texte de l’invité

Le nom de Charlotte Tassé (1893-1974) est aujourd’hui largement ignoré du grand public comme de beaucoup de spécialistes. Pourtant, l’œuvre de cette garde-malade canadienne-française fut essentielle au développement et à la reconnaissance de sa profession, comme à l’évolution des soins de santé au Québec au cours du XXe siècle. Elle fut en effet une importante figure canadienne-française de la solidarité, tant à l’égard de ses consœurs gardes-malades qu’elle invita à s’unir et à se faire entendre, qu’à l’égard de la population québécoise dont elle œuvra à faire reconnaitre la singularité et à améliorer la prise en charge. « J’ai passé ma vie à prendre la part de la Canadienne française », résumait-elle ainsi, quelques années avant sa mort, sans mentionner qu’elle avait aussi et surtout administré l’un des plus importants centres psychiatriques du Québec, dirigé deux écoles d’infirmières et une revue professionnelle de référence, créé de toutes pièces une profession infirmière à part entière – celle de garde-malade auxiliaire –, et instauré l’une des premières formations à valeur universitaire en nursing psychiatrique de la province. C’est que plus d’un demi-siècle après le début de sa carrière, cette actrice incontournable de l’évolution des soins infirmiers au Québec défendait encore, avec ardeur, le modèle de la garde-malade canadienne-française qu’elle avait contribué à forger et dont elle était toujours, à 78 ans, la plus pure incarnation.