Colauréats 2017 : Alex Gagnon et Frédéric Rondeau
Le prix de la critique littéraire Jean-Éthier-Blais 2017, doté d’une bourse de 3000 $ et décerné annuellement par la Fondation Lionel-Groulx, est attribué conjointement à Alex Gagnon pour son essai La communauté du dehors. Imaginaire social et crimes célèbres au Québec (XIXe-XXe siècles), publié aux Presses de l’Université de Montréal, et à Frédéric Rondeau pour son essai Le manque en partage. La poésie de Michel Beaulieu et Gilbert Langevin, également publié aux Presses de l’Université de Montréal.
D’une qualité remarquable, les deux ouvrages qui ont été retenus illustrent la diversité des objets et des approches qui définissent aujourd’hui la critique littéraire; ils constituent par ailleurs de réelles contributions à la connaissance de la littérature québécoise. La nature, la justesse et la portée des travaux réalisés par Alex Gagnon et Frédéric Rondeau nous ont donc convaincues de leur décerner, ex aquo, le prix Jean-Éthier-Blais 2017. S’il est impossible de rendre compte de la très grande qualité de ces ouvrages en quelques minutes, le jury a quand même tenu à souligner, même rapidement, quelques-unes des caractéristiques qui en expliquent l’importance.
Allocution de Jacinthe Martel, présidente du jury
Je veux d’abord remercier M. Jaques Girard, président de la Fondation Lionel-Groulx, M. Pierre Graveline, directeur général de la Fondation, ainsi que son adjoint, M. Étienne Lafrance. C’est avec grand plaisir que, pour la 2e fois, j’ai accepté le mandat de constituer et de présider le jury du prix Jean-Éthier-Blais. Je tiens également à remercier mes collègues qui, en leur qualité de spécialistes de la littérature québécoise, ont accepté de faire partie du jury et de lire, avec beaucoup de minutie, chacun des ouvrages qui nous ont été proposés. Il s’agit de Marilyn Randall, professeure émérite du Département d’études françaises de l’Université Western Ontario, et de Nathalie Watteyne, professeure titulaire au Département des lettres et communications de l’Université de Sherbrooke. Nos travaux et nos échanges ont été placés sous le signe de la rigueur et de l’intégrité ; je tenais à le souligner. Malheureusement, Marilyn et Nathalie n’ont pas pu se joindre à nous ce soir, mais c’est en leur nom que je tiens à féliciter les deux récipiendaires du prix Jean-Éthier-Blais : Alex Gagnon et Frédéric Rondeau. Le jury a donc retenu deux ouvrages publiés aux Presses de l’Université de Montréal : La communauté du dehors. Imaginaire social et crimes célèbres au Québec (XIXe-XXe siècles), d’Alex Gagnon, et Le manque en partage. La poésie de Michel Beaulieu et Gilbert Langevin, de Frédéric Rondeau.
Conformément aux vœux de son créateur, le professeur, critique et écrivain Jean Éthier-Blais, ce prix est remis chaque année « à l’auteur du meilleur livre de critique littéraire » écrit en français, « paru au Québec pendant l’année », et qui porte, toujours selon ses vœux, sur « la littérature canadienne-française ». Pour Jean Éthier-Blais, la critique littéraire est entendue au sens large puisqu’elle inclut, outre des études et des essais proprement dits, des éditions critiques ainsi que des biographies. L’œuvre primée doit en outre porter sur un écrivain, une œuvre ou un courant littéraire. Une dizaine d’ouvrages, portant sur des époques et des objets extrêmement variés, ont ainsi été soumis par les éditeurs à la Fondation et au jury.
D’une qualité remarquable, les deux ouvrages qui ont été retenus illustrent la diversité des objets et des approches qui définissent aujourd’hui la critique littéraire ; ils constituent par ailleurs de réelles contributions à la connaissance de la littérature québécoise. La nature, la justesse et la portée des travaux réalisés par Alex Gagnon et Frédéric Rondeau nous ont donc convaincues de leur décerner, ex aquo, le prix Jean-Éthier-Blais 2017. S’il est impossible de rendre compte de la très grande qualité de ces ouvrages en quelques minutes, le jury a quand même tenu à souligner, même rapidement, quelques-unes des caractéristiques qui en expliquent l’importance.
Dans La communauté du dehors, Alex Gagnon prend comme point de départ trois grandes affaires criminelles partageant « la même aire géographique et la même période historique » qui ont généré, comme il le démontre avec rigueur et finesse, une « considérable littérature d’imagination ». L’originalité et l’envergure de l’ouvrage d’Alex Gagnon, qui fait une large place à l’histoire culturelle, repose notamment sur un corpus imposant et varié ainsi que sur la justesse de ses lectures. Divers types de récits, de nombreux articles de presse ou encore des pièces de correspondances et d’archives, souvent inconnues, permettent en effet à Alex Gagnon d’appréhender « le processus de formation et de transformation » de l’imaginaire social. Érudite, son approche allie « perspective historique » et analyse littéraire selon un « horizon anthropologique ».
Frédéric Rondeau réussit avec brio à concilier l’histoire et l’analyse littéraires dans Le manque en partage. Il propose des lectures inédites, solidement documentées et rigoureusement menées des œuvres de Michel Beaulieu et de Gilbert Langevin, qu’il aborde à partir de la « notion souple » de contemporanéité. En situant les œuvres de Beaulieu et de Langevin dans leur contexte biographique, socio-culturel, politique et littéraire, Frédéric Rondeau réalise des analyses fouillées de textes publiés et de certains inédits qui n’avaient jusqu’alors fait l’objet d’aucune étude aussi approfondie. Chez les deux poètes, constate Frédéric Rondeau, la « conviction d’appartenir à une communauté est ébranlée ». À travers ce prisme, sa « lecture globale » des œuvres permet de mettre au jour un « même manque en partage ».
Au nom des membres du jury, je tiens encore une fois à féliciter Alex Gagnon et Frédéric Rondeau.
Allocution de Frédéric Rondeau, colauréat
Je souhaite d’abord remercier chaleureusement la Fondation Lionel-Groulx, son président Jacques Girard, son directeur Pierre Graveline ainsi que le jury composé de Jacinthe Martel, Marilyn Randall et Nathalie Watteyne. Je veux également exprimer ma gratitude à Patrick Poirier et à son équipe des Presses de l’Université de Montréal ainsi qu’à la directrice de la collection « Nouvelles études québécoises », Martine-Emmanuelle Lapointe.
Je me réjouis vivement de recevoir ce prix pour un livre portant sur l’œuvre de Michel Beaulieu et celle de Gilbert Langevin. Vous rendez, de manière oblique, hommage à ces disparus qui m’accompagnent depuis de nombreuses années. Ces auteurs n’auront cessé de nous rappeler à quel point la poésie permet non seulement de penser la vie — dans laquelle elle puise et répand son souffle —, mais constitue la vie même. C’est par l’exercice quotidien de l’écriture que Beaulieu et Langevin ont façonné, voire conféré un style à leur existence. Or, pour emprunter à Balzac, je peux dire de ces auteurs qu’ils ont contribué de façon décisive au « texte de [la mienne] ». Comme l’écrit Marielle Macé, « c’est dans la vie ordinaire que les œuvres d’art se tiennent, qu’elles déposent leurs traces et exercent durablement leurs forces. » (Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Collection NRF Essais, Gallimard, p. 9).
La rédaction et la transformation en livre de l’essai que vous récompensez aujourd’hui se sont déroulées sur plusieurs années. J’ai rédigé ce qui fut au départ une thèse de doctorat à Paris où j’ai eu le privilège de découvrir, d’entendre et de rencontrer des penseurs et des chercheurs qui m’ont fortement influencé. J’en ai revu le manuscrit et corrigé les dernières épreuves aux États-Unis, où j’enseigne depuis quelques années. Ce séjour prolongé en Europe, cet éloignement du Québec qui se poursuit aujourd’hui, font que l’impression « de n’avoir pas de lieu », le tiraillement entre le désir d’appartenir à un groupe et la volonté de demeurer à l’écart que j’ai retrouvé chez Michel Beaulieu et Gilbert Langevin ont trouvé un certain écho dans ma propre expérience. Ces deux poètes rendent compte d’une proximité dans la distance, d’une complicité dans l’absence et expriment inlassablement un sentiment de désappropriation. C’est d’ailleurs dans la perspective d’un « manque » qu’ils ont « en partage » que j’ai lu et rapproché leur œuvre.
Vous me faites l’honneur de me décerner un prix pour un livre qui porte sur la notion de commun. Ce prix, j’ai le plaisir de le recevoir avec Alex Gagnon que je tiens à féliciter sincèrement et dont le livre s’intéresse aussi à cette question. Du point de vue de la communauté, c’est-à-dire de la filiation intellectuelle, du dialogue poursuivi et relancé, de l’échange fructueux des idées, je souhaite remercier tous ceux qui ont, de près ou de loin, contribué à la publication de ce livre et m’ont soutenu dans ce long travail. Je suis spécialement et profondément reconnaissant envers les lecteurs rigoureux, exigeants — mais toujours bienveillants —, que sont Michel Biron, Karim Larose et Marie-Joëlle Savoie.
Enfin, je dois souligner l’émotion que j’ai de voir mon nom s’ajouter à la liste des lauréats du prix Jean-Éthier-Blais, parmi lesquels se trouvent des penseurs qui ont eu une importance déterminante dans mon parcours universitaire, qui m’ont souvent enseigné, et à qui je voue une très grande admiration. Je pense plus particulièrement à Michel Biron, François Dumont, Gilles Marcotte, Ginette Michaud, Élisabeth Nardout-Lafarge, Pierre Nepveu, François Ricard et Yvon Rivard. Je remercie encore une fois la Fondation Lionel-Groulx et les membres du Jury de m’avoir accordé cette distinction.
Allocution d’Alex Gagnon, colauréat
Chers tous et toutes,
L’honneur que me fait le jury du prix Jean-Éthier-Blais me touche et me réjouit d’autant plus qu’il me place en excellente compagnie. Cette compagnie, c’est d’abord celle de tous les lauréats précédents, qui regroupent plusieurs essayistes de renom, une lignée que j’ai appris à lire et à connaître, au cours de mes études, et à laquelle je n’aurais jamais eu la prétention d’associer mon nom. Mais cette compagnie, c’est aussi bien sûr celle de Frédéric Rondeau, avec qui je suis heureux de partager ce prix prestigieux, que nos livres étaient peut-être destinés à remporter conjointement, après avoir attiré quelques fois, cette année, l’œil des mêmes jurys.
Je tiens d’abord à remercier vivement la Fondation Lionel-Groulx, pour l’accueil chaleureux de ce soir, ainsi que Patrick Poirier et toute l’équipe des Presses de l’Université de Montréal, pour leur travail remarquable. Mes remerciements, sincères et amicaux, vont aussi à Benoît Melançon, qui m’a généreusement ouvert les portes de sa collection, et à Micheline Cambron, pour sa lecture judicieuse ; l’écriture de ma Communauté du dehors aura bénéficié de leur bienveillance et de leur regard aussi attentif qu’expérimenté. Ma reconnaissance se tourne aussi, sur une note maintenant plus personnelle, vers ma compagne Stéphanie Tremblay, dont la présence et les encouragements ont rendu supportables les heures innombrables de concentration carcérale. Et je m’en voudrais presque, sur une note cette fois plus récréative, de ne pas saluer les grands criminels de l’histoire québécoise, qui ont sans doute beaucoup plus contribué, dans les dernières années, à me « créer de l’emploi », comme on dit, que n’importe quelle promesse électorale : leurs exploits sanguinaires, qui ont mis du pain sur ma table et sur ma planche, sèment en prime, aujourd’hui, des honneurs littéraires sur mon chemin. On dit souvent que le crime ne paie pas ; les membres du jury présidé par Jacinthe Martel nous révèlent aujourd’hui le contraire. Et de cette heureuse audace, je tiens à les remercier.
Mais pourquoi les crimes célèbres, m’a-t-on souvent demandé ? Pourquoi placer sous la loupe de la réflexion savante cet objet inusité, qui a plutôt coutume de faire les joies de la culture populaire ? D’abord parce qu’il n’y a pas, en histoire culturelle, de vains ou de mauvais sujets, les objets les plus triviaux révélant autant de choses sur nos sociétés que les plus grandes œuvres qui en émanent. Mais aussi, et surtout, parce qu’une société, dans le feuilleté des obsessions, des peurs, des représentations, des normes et des sensibilités qui la composent, ne se laisse peut-être jamais aussi bien saisir que dans ses réactions à ce qu’elle perçoit comme un péril, comme une menace pour sa propre existence, manière de paraphraser, en la retournant comme un gant, une formule instructive de Nietzsche, qui disait dans Le gai savoir : « Les lois ne révèlent pas ce qu’est un peuple, mais au contraire ce qui lui apparaît comme inconnu, étrange, monstrueux. »
C’est au départ ce postulat, ou peut-être plutôt cette intuition, qui m’a conduit à prendre pour objet notre patrimoine sanglant et à m’intéresser à cette bataille interminable que la société (en l’occurrence québécoise) ne cesse de mener contre ce qu’elle considère comme monstrueux et qu’elle cherche, par le fait même, à repousser dans son dehors. C’est cette intuition qui m’a conduit à interroger ce processus étonnant par lequel des crimes qui, émanant pourtant de vies sans éclat, en viennent à s’arracher au domaine insignifiant du « fait divers », à nourrir la légende et à s’auréoler, comme le disait l’historien Louis Chevalier, d’une « sombre gloire ». Tout le défi était de faire tenir en équilibre, de façon à ce qu’elles puissent s’éclairer et se répondre mutuellement, une réflexion théorique d’ensemble sur l’imaginaire social et une analyse empirique, parfois proche de la microhistoire, qui s’acharne à suivre quelques figures criminelles marquantes pour retracer, en fouillant dans l’éparpillement des discours qu’une société se tient à elle-même, leur destin dans la mémoire collective et l’imaginaire social.
Je ne sais pas si j’ai pleinement relevé ce défi, mais chemin faisant, la confrontation avec les objets et les textes a évidemment fait surgir plusieurs phénomènes qui, sans nécessairement faire oublier l’intuition de départ, se sont imposés dans la mesure où leur mise en lumière m’apparaissait constituer en elle-même un apport factuel à notre compréhension de l’histoire culturelle québécoise. L’analyse m’a fait rencontrer un autre XIXe siècle canadien-français, un XIXe siècle un peu méconnu, souvent insoupçonné parce qu’il se tient, en quelque sorte, dans l’ombre ou dans l’angle mort du XIXe siècle canonique, sage, pudique et dévot que le grand récit, toujours un peu scolaire, de notre histoire collective a souvent retenu. Cet autre XIXe siècle, celui du sang, du vice et des romans de mauvaises mœurs, longtemps effacé de la mémoire critique, se présente à bien des égards comme la face cachée de la littérature et de la culture nationales officielles, sur laquelle les projecteurs nationalistes ne sont jamais vraiment braqués. Et pourtant, la mémoire collective qui, au XIXe siècle, se cultive autour des crimes célèbres participe, mais sur un autre mode, à la construction du récit national de la survivance, en s’inscrivant obliquement dans ce double mouvement de recours à l’utopie et de recours à la mémoire dont a parlé Fernand Dumont. En jetant des passerelles inattendues entre des phénomènes qu’on a coutume de lire séparément, l’étude de l’imaginaire social montre parfois à quel point les pans en apparence les plus contrastés d’une culture peuvent relever d’un même ensemble.
Le plaisir relié à ce genre de découverte historique compense heureusement l’ennui que peut susciter la lecture intensive d’un corpus qui n’a jamais été choisi pour ses propriétés esthétiques, et dont je peux confirmer qu’il fait une très mauvaise lecture de chevet. Car la démarche de recherche dont mon livre est l’aboutissement s’est le plus souvent présentée comme une plongée dans les interstices du domaine connu, comme une invitation à fouiller autre chose que ces épisodes rares et discontinus que sont, dans l’histoire d’une société, les œuvres intellectuelles, littéraires ou artistiques les plus riches, qui finissent par faire oublier l’immense masse des discours sans nom et sans visage, dont pourtant l’influence a parfois été, en leur temps, beaucoup plus déterminante.
J’ai donc déterré non seulement des textes obscurs, mais aussi les discours oubliés qui se rattachent à la tradition orale, dont les traces, souvent minces et fuyantes, apparaissent comme les pointes émergées d’un iceberg qu’elles nous laissent le plaisir de soupçonner et qu’il faut essayer de faire revivre. J’ai aussi plongé dans les archives, pas autant que je l’aurais voulu (et c’est peut-être mon seul regret), mais assez longtemps pour avoir éprouvé ce « goût de l’archive », qui ne me quittera sans doute plus et dont le prolongement logique est pour moi le plaisir de l’écriture. L’archive en effet porte les traces abondantes d’un réel qu’elle ne dit, qu’elle ne dévoile pourtant jamais complètement : c’est l’historien ou l’historienne, avec son écriture, qui doit retrouver dans ces nombreuses traces du sens et de la cohérence, bref un récit, qui est précisément ce qu’on appelle l’histoire. C’est dans les archives, judiciaires bien entendu mais aussi familiales, que j’ai parfois retrouvé les ressorts de certains drames du passé, et ce sont elles qui m’ont donné accès aux coulisses de l’une des grandes familles seigneuriales du XIXe siècle, celle d’Anne Hébert, qui a lutté pendant plus d’un siècle pour laver la réputation familiale que menaçait d’entacher le meurtre, en 1829, du seigneur de Kamouraska Achille Taché, drame dont la romancière a si finement compris et recréé les engrenages dans son célèbre roman.
Mais l’écriture m’a aussi forcé à sortir de l’écriture, à sortir des mots et des corpus pour aller parfois à la rencontre de faits brut ou de faits vécus, qui sans être les objets premiers de mon étude en sont toujours pourtant restés l’horizon. À certains moments, je me suis demandé ce qu’il restait aujourd’hui de la mémoire vivante des drames du passé, tout en sentant le besoin d’essayer de comprendre l’expérience sensible et affective qu’avaient pu vivre, en leur temps, les acteurs et les contemporains de ces drames sociaux et judiciaires sur lesquels je me suis penché. La recherche a donc parfois voulu me conduire « sur le terrain », mais peut-être pas assez, ou du moins pas autant que je l’aurais voulu (c’est mon deuxième et dernier regret). Du Vieux-Québec au Bas-Saint-Laurent, j’ai tenté de suivre les traces, ou plutôt les rares vestiges matériels qu’il en reste dans le paysage contemporain ou dans le circuit touristique actuel, des criminels légendaires dont on retrouve partout la marque dans les textes. C’est seulement, par exemple, devant le gibet métallique de la Corriveau, qui dort aujourd’hui dans un entrepôt du Musée de la civilisation, que l’on peut essayer d’écouter ou d’imaginer, malgré le silence muséal qui l’entoure désormais, le grincement de ses crochets de fer, dont parle Philippe Aubert de Gaspé (père) dans Les anciens canadiens et que ses prédécesseurs du XVIIIe siècle ont dû entendre avec horreur.
Il serait long de dire tout le plaisir que j’ai pris à écrire mon livre. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à le voir paraître et j’en ai encore autant, aujourd’hui, à constater la réception favorable qu’on lui fait. Ce livre aura sans doute toujours, pour moi, une place un peu spéciale, non seulement parce qu’il est mon premier livre, mais aussi parce que je considère rétrospectivement son écriture comme l’aménagement ou la gestation d’une perspective de recherche, celle d’une histoire culturelle des imaginaires sociaux, que j’aimerais avoir l’occasion d’approfondir au cours des prochaines années. J’ai donc d’autant plus de plaisir à recevoir ce soir le prix Jean-Éthier-Blais que je le reçois comme un encouragement à poursuivre dans cette voie.