175e anniversaire de l’Acte d’Union : l’angle mort de notre histoire

7 fév 2015

La propagande des fédéralistes nous prépare à bien accueillir la commémoration en 2017 du 150e anniversaire de la création du Canada. En 1867, une loi du Parlement britannique, le British North America Act, remplaçait ainsi l’Union législative du Haut-Canada et du Bas-Canada de 1840 avec son Parlement unique par une Union fédérale élargie de quatre colonies.

La naissance de ce nouveau pays nous est présentée dans l’harmonie, et l’intérêt des « deux peuples fondateurs », en soulignant l’alliance des conservateurs Macdonald et Cartier. C’est oublier que la première Union fut imposée brutalement par Londres en juillet 1840, après une forte répression militaire répondant aux vœux des marchands britanniques de Montréal. Et cette première Union a rendu possible celle de 1867.

La Société historique de Montréal (SHM) tient à rappeler, en 2015, qu’il y a 175 ans le gouvernement britannique a aboli l’Assemblée législative du Bas-Canada, notre Parlement séparé existant depuis 1791. La SHM a organisé une rencontre sur le thème « 1840 dans notre histoire » et demandé à des historiens d’analyser ce samedi même, au musée Pointe-à-Callières à 14 h, ce régime de l’Union qui a jeté les bases de la nation britannique d’Amérique du Nord, devenue aujourd’hui la nation « canadian ». Cette Union des deux colonies avait été réclamée dès 1810 par les marchands britanniques de Montréal. Il est heureux que des historiens se penchent sur 1840, cette date fondamentale de notre histoire trop souvent oubliée. Car 1840, véritable conquête politique du Canada français découlant de la conquête militaire britannique de 1760, est l’angle mort de notre histoire, même paradoxalement pour certains indépendantistes !

Il faut rappeler que, dès 1839, Durham, qui vient enquêter sur le conflit national et politique, écrit dans son magistral rapport avoir d’abord souhaité comme solution permanente à la crise du Bas-Canada la mise en place d’une union fédérale. Mais il s’était finalement convaincu que seule une union législative, donc sans parlements provinciaux, était alors possible. Pour Durham, il était urgent et prioritaire de mettre d’abord en minorité les Canadiens français dans un Parlement d’union du Haut et du Bas-Canada. Il comprend qu’un Parlement composé par une majorité française ne peut que freiner le développement économique de l’Amérique du Nord britannique. À son avis, la solution libérale du gouvernement responsable ne pouvait s’appliquer au Bas-Canada séparé. Il dit clairement qu’il faut favoriser l’immigration anglaise et en confier l’administration à une Assemblée législative dominée par une majorité anglaise. L’union législative s’impose donc : elle est commandée par les intérêts supérieurs de la colonisation anglaise.

Il jugeait qu’une union fédérale n’était pas alors possible, car les marchands britanniques de Montréal ne se soumettraient jamais à une assemblée, même provinciale, où dominerait une majorité française. De plus, il croyait qu’en accordant une Assemblée législative à un Bas-Canada provincialisé, dans le cadre d’une union fédérale, celle-ci utiliserait le pouvoir limité qu’elle posséderait pour paralyser le gouvernement central. Il faut relire les travaux de l’historien Maurice Séguin pour comprendre les débuts de l’annexion politique du Canada français. Les Pères de ladite Confédération n’auraient-ils pas été, malgré leurs discours, que les exécutants du projet de Durham, qui trouvait dans l’histoire de la Louisiane un bon exemple du rôle que joue une majorité pour effacer les distinctions nationales d’un peuple et réaliser son assimilation en douceur ?