TY - THES AU - Alison Longstaff AB -

Dans le prolongement de notre mémoire de maîtrise, dans lequel nous avons étudié les idées et l’engagement intellectuel de Ludger Larose (1868-1915), nous poursuivons l’analyse de la vie de ce peintre, professeur de dessin, franc-maçon, espérantiste et libre-penseur anticlérical, en nous appuyant sur la documentation conservée par sa famille, et notamment sur son journal intime. D’une richesse insoupçonnée, cette documentation nous fait pénétrer dans son univers quotidien et permet d’explorer et de comprendre de nombreuses facettes de la vie d’un individu complexe et équivoque. Notre problématique part de ce qui pourrait sembler antinomique chez Larose : qu’un libre-penseur épris de modernité produise un art traditionnel, paradoxe qui incite à une réflexion sur la modernité de la société et de l’art au Québec à la Belle époque. Il s’avère que Larose considère que la mission du peintre canadien à ce moment est de participer à la mise en place d’un système d’enseignement local, d’où sa volonté de transmettre un art « académique », techniquement correct, accessible à la collectivité, un art servant au relèvement du Canada français. Mais si son art est traditionnel, ses idées sur l’art, inspirées de l’approche sociologique et positiviste d’Hippolyte Taine, sont intimement liées à la modernité intellectuelle, ce qui rend compte des changements de mentalités en rapport à l’art dans la période appelée « prémoderne ». Ses écrits intimes démontrent que Larose ne se borne pas à la pratique de l’art; il investit des énergies à de nombreuses autres activités. Il manifeste une passion pour l’enseignement comparable à celle qu’il ressent pour l’art. Par les nombreuses transactions immobilières, l’exploitation d’ une imprimerie et des placements d’argent, Larose se montre un homme d’affaires nettement intéressé à sa mobilité ascendante. Du même coup, son journal fait découvrir un mode de vie qui reflète celui d’une partie de sa classe sociale, la petite bourgeoisie francophone montréalaise du tournant du siècle. À l’intime, plusieurs pratiques prouvent que Larose est un penseur moderne et progressiste : sa curiosité intellectuelle, ses lectures, son féminisme et son ouverture face à des pratiques nouvelles telles que l ’hypnotisme et l’ espéranto ; par son anticléricalisme, son darwinisme et son ouvriérisme, il est évident qu’il va plus loin que bon nombre de réformistes autour de lui. Sa vie associative reflète ses positions progressistes. Dans une douzaine d’associations, comme la loge maçonnique l’Émancipation, la Saint-Vincent-de-Paul, le Club de l’Indépendance du Canada et la Ligue de l’Enseignement, il utilise sa position sociale de petit bourgeois comme plate-forme à partir de laquelle stimuler le progrès et les réformes. Nous remarquons qu’il évolue progressivement vers l’action politique et une lutte de plus en plus ouverte pour le progrès. L’étude de ses relations sociales pour quatre années (1894, 1896, 1901 et 1907) révèle qu’il circule dans une variété de réseaux sociaux qui sont non seulement des regroupements ponctuels où se vit une convivialité petite-bourgeoise, mais aussi, à en juger par les individus que Larose identifie, des lieux d’expression du projet social de l’aile progressiste de la petite bourgeoisie francophone du tournant du siècle. Les fréquentations du réseau des artistes prouvent que les peintres francophones à Montréal se livrent à une sociabilité réelle mais qui n’aboutit pas à une vie associative formelle. L’analyse approfondie des différents aspects de la vie de Larose a permis de percevoir la cohérence derrière des ambivalences apparentes chez lui : à la fois petit bourgeois et progressiste non loin du socialisme, artiste et capitaliste, anticlérical et ami des membres du clergé, universaliste et nationaliste. À travers ses intérêts et prises de position variés, il ne se contredit pas, car il tend invariablement vers les mêmes buts : le progrès, l’amélioration de la condition humaine, la fin de l’asservissement et le respect de la dignité individuelle et collective. En plus d’arriver à une appréciation plus nuancée d’un individu dans ses constances et dans sa globalité, nous avons pu rendre compte des idées modernes qui animaient la société québécoise du tournant du siècle, tout en démontrant qu’il n’y a pas nécessairement adéquation parfaite entre modernité et art moderne.

DA - 12/2008 M3 - Thèse de doctorat N2 -

Dans le prolongement de notre mémoire de maîtrise, dans lequel nous avons étudié les idées et l’engagement intellectuel de Ludger Larose (1868-1915), nous poursuivons l’analyse de la vie de ce peintre, professeur de dessin, franc-maçon, espérantiste et libre-penseur anticlérical, en nous appuyant sur la documentation conservée par sa famille, et notamment sur son journal intime. D’une richesse insoupçonnée, cette documentation nous fait pénétrer dans son univers quotidien et permet d’explorer et de comprendre de nombreuses facettes de la vie d’un individu complexe et équivoque. Notre problématique part de ce qui pourrait sembler antinomique chez Larose : qu’un libre-penseur épris de modernité produise un art traditionnel, paradoxe qui incite à une réflexion sur la modernité de la société et de l’art au Québec à la Belle époque. Il s’avère que Larose considère que la mission du peintre canadien à ce moment est de participer à la mise en place d’un système d’enseignement local, d’où sa volonté de transmettre un art « académique », techniquement correct, accessible à la collectivité, un art servant au relèvement du Canada français. Mais si son art est traditionnel, ses idées sur l’art, inspirées de l’approche sociologique et positiviste d’Hippolyte Taine, sont intimement liées à la modernité intellectuelle, ce qui rend compte des changements de mentalités en rapport à l’art dans la période appelée « prémoderne ». Ses écrits intimes démontrent que Larose ne se borne pas à la pratique de l’art; il investit des énergies à de nombreuses autres activités. Il manifeste une passion pour l’enseignement comparable à celle qu’il ressent pour l’art. Par les nombreuses transactions immobilières, l’exploitation d’ une imprimerie et des placements d’argent, Larose se montre un homme d’affaires nettement intéressé à sa mobilité ascendante. Du même coup, son journal fait découvrir un mode de vie qui reflète celui d’une partie de sa classe sociale, la petite bourgeoisie francophone montréalaise du tournant du siècle. À l’intime, plusieurs pratiques prouvent que Larose est un penseur moderne et progressiste : sa curiosité intellectuelle, ses lectures, son féminisme et son ouverture face à des pratiques nouvelles telles que l ’hypnotisme et l’ espéranto ; par son anticléricalisme, son darwinisme et son ouvriérisme, il est évident qu’il va plus loin que bon nombre de réformistes autour de lui. Sa vie associative reflète ses positions progressistes. Dans une douzaine d’associations, comme la loge maçonnique l’Émancipation, la Saint-Vincent-de-Paul, le Club de l’Indépendance du Canada et la Ligue de l’Enseignement, il utilise sa position sociale de petit bourgeois comme plate-forme à partir de laquelle stimuler le progrès et les réformes. Nous remarquons qu’il évolue progressivement vers l’action politique et une lutte de plus en plus ouverte pour le progrès. L’étude de ses relations sociales pour quatre années (1894, 1896, 1901 et 1907) révèle qu’il circule dans une variété de réseaux sociaux qui sont non seulement des regroupements ponctuels où se vit une convivialité petite-bourgeoise, mais aussi, à en juger par les individus que Larose identifie, des lieux d’expression du projet social de l’aile progressiste de la petite bourgeoisie francophone du tournant du siècle. Les fréquentations du réseau des artistes prouvent que les peintres francophones à Montréal se livrent à une sociabilité réelle mais qui n’aboutit pas à une vie associative formelle. L’analyse approfondie des différents aspects de la vie de Larose a permis de percevoir la cohérence derrière des ambivalences apparentes chez lui : à la fois petit bourgeois et progressiste non loin du socialisme, artiste et capitaliste, anticlérical et ami des membres du clergé, universaliste et nationaliste. À travers ses intérêts et prises de position variés, il ne se contredit pas, car il tend invariablement vers les mêmes buts : le progrès, l’amélioration de la condition humaine, la fin de l’asservissement et le respect de la dignité individuelle et collective. En plus d’arriver à une appréciation plus nuancée d’un individu dans ses constances et dans sa globalité, nous avons pu rendre compte des idées modernes qui animaient la société québécoise du tournant du siècle, tout en démontrant qu’il n’y a pas nécessairement adéquation parfaite entre modernité et art moderne.

PB - Université du Québec à Trois-Rivières PY - 2008 EP - 537 TI - Un artiste au quotidien au tournant du XXe siècle : le cas de Ludger Larose, 1868-1915 UR - https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/1986 ER -