L’expérience éducative des sourds de Montréal avant 1920 ressemble d’assez près à celle des sourds ailleurs : leur vie a été marquée par une éducation reçue dans des institutions d’enseignement spécialisé où ils ont aussi reçu une formation à un métier. C’est dans ces institutions qu’ils ont découvert l’existence d’autres sourds et qu’ils ont été amenés à se rassembler entre eux. Toutefois, alors qu’ailleurs dans le monde, notamment en France et aux États-Unis, les sourds ont été amenés à former des mouvements politiques et sociaux dans la seconde moitié du XIXe siècle, un tel engagement politique n’est pas visible à Montréal. Alors qu’une culture sourde apparaît aux États-Unis et en France durant cette période, rien de tel ne semble avoir existé à Montréal, malgré la présence de trois écoles spécialisées.
Les éducateurs montréalais utilisaient des méthodes d’enseignement reconnues, et ils faisaient partie de réseaux d’information qui les reliaient à d’autres éducateurs à l’étranger. Des caractéristiques religieuses et nationales uniques à Montréal ont transformé la perspective de ces éducateurs et influencé la vie des sourds. Le caractère bilingue de la ville, ainsi que l’existence de deux grandes traditions chrétiennes ont coloré la vie sourde. Parler d’une expérience d’oppression des sourds par les éducateurs entendants à Montréal durant la période examinée par cette thèse serait erroné, alors qu’une telle interprétation peut s’appliquer aux États-Unis et en France.
La vie associative sourde à Montréal est née grâce à la collaboration d’éducateurs entendants. Les expériences des catholiques et des protestants ont été différentes, et de même celles des hommes et des femmes. L’association sourde dominante durant la période était formée d’anciens de l’école catholique des garçons, le Cercle Saint-François-de-Sales. Cette association s’est assurée une visibilité très grande en publiant un journal destiné non seulement aux sourds catholiques des deux sexes, mais aussi à un auditoire entendant. En plus de ce journal, le Cercle a donné naissance à des réseaux d’entraide pour les sourds souffrant de problèmes sociaux et économiques.
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